A treize ans, «l’allianceur» se laisse pousser une barbe de trois jours avant de se faire faire son premier document d’identité détournée, avec inscrite en lettres indélébiles son inoxydable profession. Même mort et caché trois pieds sous terre, «l’allianceur» est toujours candidat à quelque chose. Ici comme ailleurs. Partout. Nulle part. Quelque part. N’importe où. Une sorte de candidat autoreverse. Capable de finir par le début et commencer par la fin.
«L’allianceur» se sent même capable de monter toutes les caboches au repos et les macchabées refroidis pour leur imposer l’idée outre-raison que même les trépassés ont droit à un candidat juste alphabétisé. Celui qui saurait défendre avec une sincérité post-papale leur droit «mourant» à des cimetières propres et surtout à l’écart des zombies bien vivants. Devenu un trois quarts de caïd plein aux as, «l’allianceur» se présente aux premières élections aseptisées de son histoire, avec pour seul et unique adversaire sa propre photo avec un faux visage imberbe. Compté, recompté et (re) recompté, il ne trouva jamais plus qu’un seul bulletin jauni, glissé par une main velue dans l’urne piégée.
Remettant toujours ça, «l’allianceur» se présente quatre-vingt-dix-neuf fois de suite à des élections usées, blousées, biaisées, biseautées, blasées, embobinées et même embabouinées. Mais face au drone envoyé d’en haut, il n’obtiendra jamais plus qu’une seule voix cassée, la sienne, sortie d’une urne piégée mais surtout trouée. Dégoûté par les inénarrables «istihkakates» qui ne vont jamais plus loin que le bout de son pif en chute spontanée, «l’allianceur» fait ses ablutions, les premières de sa vie, et décide, la tête froide, de passer sous la potence mal effilée de la commission électorale chargée de l’auscultation au microscope de sa paperasse trop bavarde pour être celle d’un «moutaracheh» à la tête bien ronde. Traîné par l’oreille jusqu’au chef «plombé» de son parti jamais pris à court de candidats enfermés dans des sachets en plastique noir, «l’allianceur» se voit remettre une médaille en toc avec gravé dessus : Ici repose «l’allianceur», le candidateur qui ne sut jamais de sa vie escalader une petite colline, quand il n’apprit jamais à descendre correctement de sur un minuscule escabeau ». Même si la légende dira, ensuite, pour son arrière petite marmaille, que «l’allianceur», à 99 ans et demi, alors qu’il faisait rase campagne pour tenter, dans une épique bataille, de faire passer l’épaule à hauteur d’un strapontin haut perché à Alger l’inextinguible, il est retrouvé lové dans un isoloir blanc, les pieds et bras enduits de henné avarié, coincé par la tête dans une urne mal rabotée. Dans la rue, on criera «l’allianceur» est mort, qu’allons-nous devenir sans «l’allianceur» ?!
11 janvier 2012
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