CultureMardi, 10 Janvier 2012
Tous les peuples de la planète possèdent des pratiques et des rites aussi différents que nombreux. C’est la somme de ces traditions qui fonde les cultures, les modes de vie et les civilisations. La datation du temps, une de ces pratiques, est considérée comme étant l’activité particulièrement commune à l’espèce humaine. Chez les Berbères, Yennayer en est une. Elle est privilégiée car encore d’actualité. Son importance s’explique par son application généralisée sur le vaste territoire de l’Afrique du Nord comme système d’indication du temps qui intervient le 12 janvier. Mais nous ne comprenons pas pourquoi certains s’évertuent à la veille de l’événement à inventer au vocable Yennayer une origine linguistique latine sans pour autant présenter des arguments savants. N’y a-t-il pas ici une arrière-pensée qui persiste encore à vouloir déposséder le monde berbère de tout ce qui se rapporte à sa civilisation, à sa culture et à son histoire ? Tout porte à le croire. Notons que dans le système linguistique berbère, un seul mot est à lui seul un énoncé doué de sens. Ainsi, le vocable Yennayer est une composition linguistique berbère formée des éléments “Yen” et “Ayer” avec leurs variantes successives “Yiwen ou Ayen” et “Ayyur ou Aggur” qui signifient respectivement “Un ou Premier” et “Mois”. Yennayer (le premier mois) a aussi son prolongement dans l’autre appellation aussi courante et pour ainsi dire jumelle en sens : “Tibbura useggwas” qui signifie littéralement et précisément “Les portes de l’année”. Yennayer annonce la fin d’un cycle et le commencement d’un autre. Cette explication qui va d’elle-même, mais qui apparemment contrarie des courants d’opinions, est l’expression du résultat de l’observation faite à l’œil nu sur les variations de l’univers cosmique qui fixe des cycles mutants selon les positions géographiques des pays par rapport aux hémisphères Nord et Sud. En effet les éléments climatiques, atmosphériques, végétaux, arboricoles ou encore l’aspect de la terre et des cieux déterminent et organisent l’activité humaine au fil des intervalles temps formalisés en potions calendaires. Viennent ensuite se greffer des interprétations, des rites et des mythes en fonction des besoins sociologiques des peuples. Certaines de ces pratiques peuvent laisser apparaître des similitudes entre peuples comme c’est le cas du mythe de la vieille qui se lamente des terribles rigueurs hivernales que lui inflige le mois de janvier et dont la trame se retrouve aussi bien en Kabylie, en France, en Grèce, en Yougoslavie ou encore au Venezuela et en Iran. Ces analogies humaines sont nombreuses car en définitive “rien de ce qui est humain n’est étranger à l’humain”. La datation berbère de l’an zéro se réfère à la fois à Yennayer et à un fait historique lié au déplacement en 950 avant Jésus-Christ du roi berbère Chachnaq en route vers le delta du Nil où il fonda la 22e dynastie pharaonique avec comme capitale Boubastis. L’événement est rapporté, entre autres, dans l’ouvrage de la préhistorienne Malika Hachid : Les premiers Berbères, entre Méditerranée, Tassili et Nil. Ainsi les deux événements, Yennayer et le déplacement du roi Chachnaq, sont couplés car ils annoncent la même logique d’un commencement. Ils ont une valeur culturelle et historique. Cependant c’est l’horloge universelle grégorienne qui arrive à 2012 qui a cours.
A. A.
kocilnour@yahoo.fr
10 janvier 2012
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