La censure qui frappe « Le Mensonge de Dieu », le roman de Mohamed Benchicou, interdit de parution en Algérie continue de faire des vagues. Lundi 02 avril, quelques heures après l’annonce de cette interdiction, la ministre de la Culture, Mme KhalidaMessaoudi, directement mise en cause par le directeur du Matin, a démenti être à l’origine de cette censure. Mais au lieu de rendre public un communiqué officiel et l’adresser à toutes les rédactions, le ministère a choisit une manière singulière d’apporter son démenti en l’adressant à l’AFP par courriel.
Dans ce courriel envoyé tard lundi soir, le cabinet du ministère précise que Mme Toumi « n’a jamais refusé d’octroyer un numéro ISBN à l’ouvrage de M. Benchicou intitulé ‘Le mensonge de Dieu’ ». « Cette démarche ne relève pas des attributions du (de la) ministre en charge de la Culture », poursuit le cabinet.
Tôt dans la journée du lundi, Mohamed Benchicou a indiqué que « la ministre (algérienne) de la Culture Khalida Toumi a demandé à ce que ne soit pas octroyé le numéro d’ISBN au roman ainsi que le dépôt légal du livre, ce qui revient à interdire sa publication ».
Mardi 03 avril, nouvelle réplique de l’auteur du livre qui devait paraitre en Algérie aux éditions Koukou. M. Benchicou a envoyé une réponse au démenti du ministre dont nous publions l’intégralité.
« Le mensonge de Dieu » est un roman de 650 pages, une grande fresque romanesque relatant les destins croisés d’une famille de combattants et qui entraîne le lecteur sur les traces du peuple algérien de 1870 à nos jours. Il devait paraitre en Algérie sous le titre « La Ruse de Dieu ».
Réponse de Mohamed Benchicou au « démenti » de Khalida Toumi : « Mme Toumi prend les Algériens pour des gogos »
Madame la ministre de la Culture vient d’envoyer un « démenti » à la presse dans lequel elle se défend d’avoir instruit le directeur de la Bibliothèque nationale de ne pas délivrer de numéro d’ISBN pour le livre « Le mensonge de Dieu »
1. Je constate d’abord que, en comparaison à octobre 2008, Madame la ministre a perdu de son arrogance. Le fait que les médias internationaux se soient emparés de l’affaire dans cette conjoncture mondiale défavorable au régime algérien, l’a forcée à plus d’humilité et, fatalement, à plus de duplicité. Ce n’est plus la même ministre qui, en octobre 2008, le 21 plus exactement, plastronnait en conférence de presse en affirmant d’un ton cynique : « C’est moi qui ai interdit le livre de Benchicou ! ». Avec, rappelez-vous, cette envolée qui se voulait émouvante : « J’ai évité à Benchicou de retourner en prison ».
Il s’agissait alors du livre « Journal d’un homme libre », qui fit l’objet d’une descente policière à l’imprimerie Mauguin de Blida. Ce jour-là, Mme Khalida Toumi exhibait le manuscrit qui venait d’être remis à la Bibilothèque nationale. Comment avait-il échoué chez elle, elle qui prétend aujourd’hui que le directeur de la Bibliothèque national est « souverain » ?
Mme Toumi prend les Algériens pour des gogos. Et des gogos amnésiques. Qui a oublié que le précédent directeur de la Bibliothèque nationale, M. Amine Zaoui, a été limogé, par elle-même, en octobre 2008, pour avoir délivré un numéro d’ISBN à…Mohamed Benchicou pour son livre « Journal d’un homme libre » ?
Son successeur, qui a été prié de retenir la leçon, attend désormais le « feu vert » pour accorder le numéro d’ISBN. Et ce « feu vert » n’est pas venu pour « Le mensonge de Dieu » ! Pourquoi Mme la ministre ne précise-t-elle pas que depuis cette date c’est elle-même qui a transformé une simple formalité administrative, la délivrance d’un numéro d’ISBN, en « autorisation d’éditer » ? Et que cette « autorisation d’éditer » est délivrée par elle-même, après consultation des « niveaux supérieurs » ? Pourquoi ne souligne-t-elle pas que des maisons d’édition se voient systématiquement refuser le « numéro d’ISBN » au point que certaines d’entre-elles ont fermé ?
2. Mme Toumi de mai 2011 se voit obligée de recourir aux techniques hypocrites de « camouflage » qui sont celles du pouvoir : ce n’est jamais lui qui interdit les journaux, c’est l’imprimerie qui arrête d’imprimer les journaux pour « factures impayées » ; ce n’est jamais lui qui met en faillite un journal, c’est le fisc qui prend l’initiative d’un redressement fiscal ; ce n’est pas la ministre qui a interdit le livre, c’est le directeur de la Bibliothèque nationale qui a décidé –pourquoi ?- de ne pas délivrer un numéro d’ISBN. Comme chacun sait, l’imprimerie, l’administration fiscale et le directeur de la Bibliothèque nationale sont totalement indépendants de la tutelle.
Soit. Accordons à Mme Toumi le bénéfice du doute. Mais alors trouve-t-elle normal, en tant que membre du gouvernement, que le directeur de la Bibliothèque piétine la Constitution et décide, de son propre chef, de ce que doivent lire les Algériens et de ce qui doit s’éditer en Algérie ?
3. Trêve de sournoiserie, Mme Toumi ! Arrêtez d’humilier des éditeurs, des créateurs et des écrivains qui ne demandent qu’à faire leur métier ! Renoncez à ce hideux boulot de briseur de rêves. Rendez aux éditeurs algériens leur dignité ! En 2008, je vous avais promis de ne jamais me taire devant vos voies de fait, devant cette profanation de l’Etat de droit embryonnaire et, que jamais je ne me ferai complice de la banalisation de l’acte totalitaire.
Rétablissez le droit d’éditer, le droit de lire, le droit d’être ! Je ne vous reconnais pas la prérogative de décider pour moi ni celle de faire de moi un écrivain de l’exil. Je combattrai l’arbitraire, le vôtre et celui de vos supérieurs, jusqu’à mon dernier souffle.
Mohamed Benchicou
Lire l’article original : Benchicou répond au «démenti» de la ministre : «Mme Toumi prend les Algériens pour des gogos» | DNA – Dernières nouvelles d’Algérie
9 janvier 2012
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