La Qaïdisation a été inventée par Georges Bush, comme on le sait tous. C’est une façon de coller une barbe postiche sur les moustaches de Saddam et d’en faire l’auteur des attentats du 11 septembre. Depuis, lorsqu’on veut noyer un opposant ou une opposition, on la Qaïdise. Par le discours, les médias, les fausses preuves et les ADM. C’est ce qu’a fait, trop brièvement, Moubarak et son régime face aux révolutionnaires de place Tahrir. C’est ce qu’a pratiqué, surtout, Kadhafi, jusqu’à son dernier discours : Qaïdiser les rebelles, l’opposition et le changement. Le Fou de Tripoli avait compris, avec son formidable instinct de rusé, que le traumatisme de l’Occident est encore vif et qu’à choisir entre un Ben-Laden bis et un dictateur utile, le choix est vite fait par le monde qui observe. La Qaïdisation a été pratiquée au Maroc avec un attentat trop opportun face au mouvement du 20 février, au Yémen, depuis quelques jours en Syrie, en Arabie Saoudite, en Jordanie. Au Bahreïn, c’est l’iranisation, cas singulier, mais sur le même schéma de base. En Algérie, la Qaïdiation est ce qui a sauvé le régime dès les années 2000 alors qu’il était cerné par les Troïka et l’ONU et les ONG. Depuis, la Qaïdisation en Algérie s’est déplacée vers le Sud.
Mise au point : la Qaïdisation et El Qaïda ne sont pas choses semblables : la première est une organisation terroriste internationale qui tue, la seconde est une recette sur comment en tirer profit, argent, rente internationale et soutiens politiques divers.
La Qaïdisation est en effet l’une des manipulations les plus faciles et qui demande le moins de logistique : une voiture piégée, un naïf manipulé avec deux versets, une revendication par fax ou par Net, un clip avec un barbu qui menace et 30 morts anonymes. Du coup, le peuple se terre, la demande de changement devient demande de protection, la communauté s’émeut, la vision devient floue, l’opposant devient douteux et le régime devient une nécessité.
Le spectacle est aujourd’hui en live en Syrie.
La règle veut que «Qaïdiser, il en restera toujours quelque chose» même quand c’est démenti, ensuite par les faits.
Reste la question par l’absurde : comment les régimes arabes qui Qaïdisent à souhait peuvent à la fois expliquer cette présence, partout, et panarabe d’El Qaïda imaginaire et leur propre efficacité dans la fameuse lutte contre le terrorisme islamiste ? Si El Qaïda est tellement partout, à quoi ont-ils servi depuis des décennies ? Et s’ils étaient aussi utiles comme dictatures, pourquoi El Qaïda soulève-t-elle tant les foules, chaque jour de semaine, depuis des mois, dans presque tous les pays arabes ?
Que disent les régimes arabes qui Qaïdisent ? Rien, «on répondra après». Après avoir vaincu El Qaïda imaginaire, c’est-à-dire les rebellions, c’est-à-dire les révoltes, c’est-à-dire les révolutions. Que ces révoltés ne soient pas tous des barbus d’Allah, qu’ils soient en jean comme en voile, que le martyre d’appelle Bouazizi et pas Oussama, qu’ils crient liberté et justice et qu’ils demandent la démocratie et des élections propres, ne signifie absolument rien pour les scénaristes des régimes arabes. L’essentiel est de faire peur et de gagner du fric. Un métier de gangs internationaux, avec un drapeau, un hymne et des ambassades.
El Qaïda ? C’est un groupe armé.
La Qaïdisation ? C’est un métier de dictateur cerné. Arabe surtout.
28 décembre 2011
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