le 23.12.11 | 01h00
Il a tiré sa révérence il y a 33 ans de cela. Houari Boumediène, de son vrai nom Mohamed Boukharrouba, est encore présent, d’une certaine manière, dans le cœur de beaucoup d’Algériens. Mohamed Chafik Mesbah, ancien officier supérieur de l’ANP et politologue, raconte l’homme du 19 Juin, ce qu’il a légué à l’Algérie, ainsi que son idée de la «déboumediénisation».
- Boumediene est-il, toujours, d’actualité ? La déboumediénisation est-elle, à présent, achevée ?
La réponse peut-être envisagée sous deux angles différents. Le premier se rapporte à la personne même de Boumediene et le second au régime que Boumediene a symbolisé dans sa globalité. Au plan personnel, le souvenir de Boumediene n’a pas pu être effacé de la mémoire populaire et les plus démunis des Algériens continuent de cultiver le souvenir de celui qu’ils appellent, affectueusement «Moustache». Son souvenir, malgré les privations endurées, renvoie à une forme de grandeur nationale faite de progrès économique, de justice sociale, de dignité humaine et de rayonnement international. Au plan plus général, il est clair que l’époque Boumediene renvoie au régime du parti unique et de l’économie planifiée étatique, disqualifiés par l’évolution de l’histoire universelle. Ce n’était pas nécessaire que les chefs d’Etat qui lui ont succédé redoublent d’énergie à vouloir «déboumediéniser» comme vous le dites. Boumediene en tant qu’homme est resté impérissable. Le système autoritariste qu’il a incarné était voué à s’effacer, naturellement. Il aurait été plus raisonnable de ne pas s’engouffrer dans une démarche de négation nihiliste de son héritage.
- Comment expliquer que Boumediene soit encore si présent dans le cœur des Algériens ?
Boumediene continue de réveiller chez le peuple algérien un profond sentiment de fierté nationale. Il continue de symboliser les aspirations populaires à la justice sociale et au progrès économique. Le peuple algérien respecte l’intégrité de Boumediene, lequel ayant adopté un mode de vie confinant à l’ascétisme, est resté à l’abri des tentations mercantiles auxquelles n’ont pas résisté bien d’autres responsables de son époque.
- Il était attendu du retour aux affaires d’Abdelaziz Bouteflika une restauration de la splendeur «des temps passés», celle de l’ère Boumediene, précisément. Comment expliquer qu’il n’en fut rien ?
Quelle splendeur voulez-vous évoquer ? Sans doute le prestige international porté par la stabilité politique et impulsé par la prospérité économique et le progrès social ? Deux raisons peuvent expliquer cet espoir déçu. D’une part, l’habileté manœuvrière de Abdelaziz Bouteflika. Qui pourrait contester le «bagout» de Abdelaziz Bouteflika qui a pu, facilement, séduire les chefs militaires qui l’avaient coopté, de préférence à tout autre candidat, car ils étaient à la recherche d’un personnage historique jouissant de notoriété internationale, capable de briser l’isolement du régime et acceptant de ne pas remettre en cause les options cardinales déjà fixées. Seulement, autant Abdelaziz Bouteflika peut exceller dans la forme – y compris au plan de la démarche tactique – autant il est, tragiquement, démuni en capacité d’anticipation et d’innovation stratégiques. Il a pu disposer, pourtant, de tout ce que pouvait espérer un chef d’Etat soucieux de laisser une marque positive sur l’histoire du pays. Des ressources naturelles et humaines à profusion, un contexte national et international propice pour des réformes d’envergure et, enfin, un pouvoir absolu sur tous les leviers de pouvoir. Tout cela dilapidé en pure perte. Faut-il lancer la pierre aux seuls chefs militaires qui ont coopté Abdelaziz Bouteflika ? L’opinion publique nationale aussi a été prise en défaut. Retenons, alors, la leçon. Rien ne sert d’imposer aux peuples le bonheur malgré eux. Il suffit de les laisser exprimer, librement, leur choix.
- Si vous deviez comparer les deux personnages, Boumediene et Bouteflika, son ministre des Affaires étrangères, quelles similitudes et quelles différences seriez-vous tenté de mettre en évidence ?
Le compagnonnage de Bouteflika avec Boumediene a laissé une empreinte certaine sur le mode opératoire du président de la République actuel vis-à-vis des hommes et des situations. Comme celui qui l’a formé, l’actuel chef de l’Etat ne tranche jamais dans le vif – sauf cas de force majeure – laissant les situations évoluer parfois jusqu’au pourrissement avant de cueillir à point nommé le fruit mûr. Mais ce qui sépare les deux hommes est plus significatif. Sur le plan du mode de gouvernance et des choix politiques sur lesquels il repose, soulignons que Boumediene aurait consacré l’intégralité des recettes pétrolières à l’investissement productif. Jamais il n’aurait toléré les dépenses dispendieuses d’aujourd’hui ni d’ailleurs ces placements inconsidérés en bons du Trésor américain. Boumediene, par ailleurs, est un nationaliste ombrageux et déterminé. Il n’aurait jamais admis – fâcheux précédent au demeurant – que son chef du gouvernement, sans argument essentiel, se déplace à la résidence de l’ambassadeur de France pour déjeuner avec un secrétaire d’Etat français de second rang. De même, il n’aurait jamais autorisé son ministre des Affaires étrangères – comme s’il devait aller à Canossa – se faire auditionner, à Paris, par des députés de l’Assemblée nationale française. Paradoxalement, Boumediene était doté, par ailleurs, d’un esprit pragmatique développé. Sous son règne, il n’y aurait jamais eu cette politique sinueuse dans le domaine de l’énergie. La loi sur les hydrocarbures que le gouvernement s’apprête à réviser – après l’avoir faite déjà adopter par le Parlement dans une première version avant de la faire abroger – n’aurait jamais connu cette destinée en zigzag. Pour garantir la prise en compte efficiente des intérêts algériens, la préparation de cette loi aurait été longue et laborieuse, avec un large spectre de consultations. Mais, une fois promulguée, elle aurait eu une durée de vie importante, économiquement significative, vingt ans peut-être. C’est, sans doute, cette capacité à agir, pragmatiquement, qui explique que, nonobstant ses positions tranchées de politique étrangère, Boumediene ait pu entretenir des relations économiques solides, mutuellement profitables, avec les Etats-Unis.
- A propos de profils personnels, Boumediene – de son vivant – et Abdelaziz Bouteflika étaient-ils en phase ?
Depuis l’été 1974, ce fameux été de toutes les rumeurs, un processus de distanciation s’était mis en branle entre Boumediene et trois de ses plus proches collaborateurs, Ahmed Medeghri, Abdelaziz Bouteflika et Ahmed Draia. Auparavant, Kaïd Ahmed rentré en disgrâce s’était exilé. Avant lui, Cherif Belkacem avait été limogé. Cet effritement d’un groupe réputé soudé est le résultat de susceptibilités subjectives mais aussi de divergences d’opinions. Dans le cas de Abdelaziz Bouteflika qui jouissait, jusque-là, de la protection absolue de Boumediene, les divergences ont porté sur trois questions principales. Premièrement, les rapports avec la France, à travers la nationalisation des hydrocarbures, projet ou seuls Belaïd Abdesselam, Sid Ahmed Ghozali et Boumediene lui-même étaient dans la confidence bien que M. Bouteflika, ministre des Affaires étrangères, présidât la grande commission de négociations algéro-française. Deuxièmement, le conflit du Sahara occidental, dossier que Boumediene avait confié à son ministre conseiller, le docteur Ahmed Taleb Ibrahimi et au colonel Kasdi Merbah, directeur de la Sécurité militaire, le ministre des Affaires étrangères étant, de ce fait, tenu à l’écart. Troisièmement, lors de l’élaboration du projet de Constitution en 1976, Abdelaziz Bouteflika, plaidant pour sa cause, avait tenté, en vain, de convaincre Boumediene, par personne interposée, pour introduire un poste de vice-président lequel serait élu, au suffrage universel, en même temps que le chef de l’Etat.
- Vis-à-vis de l’islamisme en Algérie, comment s’est comporté Boumediene ?
Dès son accession aux fonctions de chef de l’Etat, le 19 juin 1965, Boumediene, en choisissant le docteur Ahmed Taleb Ibrahimi comme ministre de l’Education nationale, a fait le choix stratégique de privilégier l’Islam des Ulémas, «l’islam des lumières» pourrions-nous dire, contre celui des confréries, jugé facteur de régression et qu’il s’est efforcé de réduire. Face au phénomène de l’Islam plébéien, symbolisé par le FIS à son apogée, il en aurait combattu, résolument, les manifestations pathologiques non sans encourager celles susceptibles de constituer un apport utile à l’essor du pays. Boumediene aurait, vraisemblablement, ciblé le courant dit d’ «El Djazaara», pour le dissocier du reste de la nébuleuse du FIS. Pour imager le propos, Abdelkader Hachani, – sans être partie prenante d’ «El Djazaara» mais figure éclairée du FIS – aurait fini par faire un épigone de la vie politique en Algérie.
- Continuons sur ce registre de la politique-fiction : comment Boumediene aurait réagi vis-à-vis de la crise qui vient de secouer la Libye ?
Contentons-nous de reproduire ce qu’en pense l’un des plus proches collaborateurs encore en vie de Boumediene : «Boumediene aurait devancé les événements. Il est impensable qu’il ait pu être pris à défaut sur ce qui se passe dans un pays revêtant une importance essentielle pour la Sécurité nationale de l’Algérie. Forte de cette anticipation, l’Algérie n’aurait pas été à la traîne mais aurait été partie prenant au dénouement de la crise en Libye en pesant de tout son poids pour que la solution serve les intérêts nationaux de l’Algérie.»Boumediene se serait démarqué du colonel El Gueddafi et aurait appuyé les jeunes rebelles libyens mais en leur donnant les moyens de remporter la victoire sans devoir recourir à l’OTAN.
- Comment Boumediene aurait réagi au spectacle de Guelma – sa wilaya natale – délaissée par rapport aux autres wilayas du pays, notamment celles de l’Ouest ?
Natif de Héliopolis à Guelma, Boumediene avait choisi pour pseudonyme, Houari et Boumediene, par référence à deux figures prestigieuses de l’Oranie. Ce n’est pas chez lui que vous auriez pu recueillir le sentiment d’exaspération que vous espériez à propos du sort qui aurait été fait à sa ville natale. Le souci de l’unité nationale l’habitait au point qu’il avait instruit les services de la présidence de la République de ne pas divulguer dans les biographies des responsables publics nommés leur lieu de naissance. De manière plus déterminante, il était l’initiateur de la politique d’équilibre régional avec des Conseils des ministres qui se tenant, tour à tour, dans chaque chef-lieu de wilaya, donnant lieu à approbation à ces programmes spéciaux dont les Algériens gardent le souvenir vibrant. Guelma, dites-vous ? Boumediene aurait balayé d’un revers de main votre question.
- Vous dressez, au total, un portrait flatteur de Boumediene. Son bilan ne comporterait, donc, pas de taches ?
Que non ! Il existe, incontestablement, des insuffisances dans ce bilan. Les unes se rattachent au mode de gouvernance en usage sous Boumediene, les autres à des zones d’ombre qui touchent à son comportement psychologique. Sur le plan du mode de gouvernance, c’est une évidence, il aura été une sorte de «despote éclairé» plus qu’un démocrate convaincu. Il était capable de nourrir la discussion, le débat technique essentiellement, mais la marge de liberté qu’il concédait tant à ses collaborateurs qu’au peuple algérien lui-même s’inscrivait, toujours, dans des limites politiques convenues, des lignes rouges à ne pas dépasser en quelque sorte. A propos de certains choix, celui de la Révolution agraire par exemple, sa démarche – fortement marquée, il est vrai, par ses attaches paysannes et son souci de justice sociale – a été dogmatique, inspirée par des axiomes idéologiques, pas des critères d’efficience économique. Boumediene était-il apte à favoriser une transition démocratique pour permettre à son régime de se régénérer ? Il lui a été prêté, en effet, le projet de vouloir, à la faveur du Congrès du FLN qu’il préparait, procéder à l’assainissement des rangs dans son entourage avec, en corollaire, une ouverture substantielle des règles de la vie politique nationale. Il s’en était ouvert, en particulier, à Paul Balta, correspondant à Alger du quotidien le Monde qui prenait congé de lui. Le temps a manqué à Boumediene pour réaliser ce projet de démocratisation du régime à partir de l’intérieur mais il est permis d’imaginer que, de manière graduelle et pragmatique, il pouvait y parvenir. Au plan du comportement psychologique – du comportement moral serions-nous tentés de dire – des zones d’ombre persistent à l’épreuve du temps. Des assassinats d’éminents responsables politiques de la Révolution – Mohamed Khider et Krim Belkacem – jusqu’au refus de digne sépulture à deux grands martyrs de la guerre de Libération nationale – les colonels Amirouche et Haouès – en passant par l’attitude hargneuse contre les responsables locaux qui à Tiaret avaient accompagné la dépouille mortelle du regretté Kaïd Ahmed en sa dernière demeure. Le comportement de Boumediene est d’autant plus incompréhensible qu’il ne coïncide pas avec l’image que le peuple algérien a conservée de lui. Il appartient aux historiens de dénouer, dans la sérénité, l’écheveau.
- Comment expliquez-vous, justement, qu’aucune vraie biographie consacrée à Boumediene n’ait été à ce jour publiée?
La précision «vraie biographie» est pertinente. Bien sûr, de nombreuses biographies de vulgarisation ont été, au gré du temps, publiées mais sans prétention scientifique et, donc, sans valeur historique. Il serait exagéré de considérer que le livre publié par Jean-Luc Serini et Ania Francos, Un Algérien nommé Boumediene, soit «une vraie biographie». Boumediene, faut-il le souligner, est un personnage introverti, profondément imprégné du culte du secret qu’il a cultivé à la faveur de son passage dans les rangs de l’ALN puis à l’épreuve des responsabilités politiques qu’il a exercées. Méfiant, refusant de dévoiler toute information se rapportant à sa vie privée, il ne pouvait encourager quelque biographie que ce soit. Pourtant, il s’était bien engagé dans un projet de biographie avec le défunt Pierre Bernard, écrivain et propriétaire des éditions Sindbad. Pierre Bernard venait, régulièrement, à Alger pour des séances de travail prolongées avec Boumediene aux fins de préparer cette biographie à paraître. Entre-temps Boumediene est mort et Pierre Bernard a suivi. Les archives de ce dernier sont introuvables d’autant qu’il appartenait à une famille de droite qui lui a toujours reproché ses accointances avec l’Algérie. Il reste que les autorités officielles algériennes n’ont jamais tenté de retrouver ces archives comportant, probablement, la biographie inachevée de Boumediene.
* Il est aussi l’auteur d’un entretien consacré à Houari Boumediene, avec Paul Balta
Édito : Boumediene, un grand absent toujours présent
Boumediene n’est plus là et pourtant, il est encore présent dans la mémoire de beaucoup d’Algériens. Celui qui a marqué treize années de notre histoire est tellement ancré que beaucoup lui vouent un respect certain, l’idéalisent, lui et son époque. Houari Boumediene, de son vrai nom Mohamed Boukharrouba, est encore trop mystifié par certains tenants d’une Algérie alors respectée sur le plan international.
Cependant, bien peu savent que le pays a connu sa déboumédienisation, comme l’Union soviétique a connu sa déstalinisation. La mort de l’homme du 19 juin 1965, puis l’accession de Chadli Bendjedid à la tête de la République algérienne démocratique et populaire ont été l’avènement d’une nouvelle ère pour notre pays. Trente-trois ans après, cependant, les nostalgiques existent, surtout dans sa région natale, dans l’Est. Un petit tour à Guelma s’impose pour le constater. Ses portraits y sont plus présents que dans n’importe quelle autre wilaya du pays et en nombre plus important que ceux de Bouteflika, l’actuel chef de l’Etat, qui fut son inamovible ministre des Affaires étrangères.
Aïn Hassaïnia, distante de 25 km à l’ouest du chef-lieu de wilaya, en direction de Constantine, a été débaptisée pour porter le nom du tombeur de Ben Bella. Difficile d’effacer de la mémoire collective le nom d’un homme, qui a pourtant récusé toute opposition en Algérie. Difficile de renier celui qui refusait le concept même de démocratie tel que nous l’entendons aujourd’hui. Difficile, lorsque l’on est lucide, de voir en lui, une sorte de restaurateur de l’histoire nationale, tant celle-ci a été dénaturée, tant celle-ci a été falsifiée à son époque.
Difficile, enfin, de comprendre celui qui fut à l’origine du «déplacement» des dépouilles du colonel Amirouche et de Si El Haouès. Boumediene est à la fois aussi mystérieux que proche dans notre imaginaire collectif. Aucune biographie, franche et directe sur l’homme n’est sur le marché à présent, et il est souhaitable qu’à l’avenir, cette absence soit comblée. Mais ceci est du ressort d’historiens ou même de journalistes compétents dans cette discipline pour combler ce vide qui permettrait aux Algériens de mieux découvrir cette partie de leur histoire post-indépendance.
Politiquement parlant, il est clair que l’Algérie est définitivement sortie de cette période, à la fois passionnante et floue, tant beaucoup reste à dire. Moralement parlant, si l’on peut s’exprimer ainsi, l’Algérie profonde est toujours aussi nostalgique d’une époque qui semble à jamais révolue, d’un homme qui, s’il était resté au commandes du bateau Algérie, aurait su, selon ces mêmes personnes, manœuvrer, pour éviter le naufrage des années 1980, la descente aux enfers des années 1990, et plus encore, comme le phénomène des harraga.
Mais, l’histoire ne peut être refaite, surtout concernant cette catégorie de personnes et leurs actes. Tout reste encore à écrire sur Boumediene, et ce ne sont plus les écrits de Paul Balta ou de Ania Francos, beaucoup trop dépassés à présent, qui peuvent nous aider à mieux connaître l’homme et son œuvre. Désormais, un travail à la fois journalistique et historique, surtout, s’impose pour que les Algériens découvrent ou redécouvrent l’enfant de Guelma.
Bouteflika, l’anti-Boumediene :
15 avril 1999. C’est la consécration pour celui qui fut, pendant treize ans, le ministre des Affaires étrangères de l’homme du 19 Juin. Après une traversée du désert de vingt ans, celui qui était pressenti pour assurer la succession, prend enfin sa revanche sur ses détracteurs. Et il le fait clairement comprendre, au fil des années, à tel point que même les nostalgiques de l’ère Boumediene se détachent progressivement de lui.
Rencontré dans une rue d’Alger, Aammi Mourad, âgé de 75 ans, ne mâche pas ses mots : «Il a trahi le Président, il a trahi l’homme, il a vendu l’Algérie. Jamais, il n’y aurait eu tout ça en Algérie dans les années 1970. Jamais les sociétés étrangères ne se partageraient le pays comme cela. Et puis, regardez la politique étrangère. Un vrai gâchis ! L’Algérie est devenue inaudible. Loukane ibiîna le bled le Isra’il kheir…» La déception se lit sur le visage de tous les nostalgiques d’une époque à jamais révolue.
En 2004, beaucoup ont constaté que les plus proches parmi les plus proches de Boumediene, en l’occurrence sa propre femme Anissa, lui ont complètement tourné le dos, en préférant soutenir Ali Benflis, lors de la présidentielle. Du côté de Guelma, les portraits de Bouteflika se font rares, contrairement à ceux de l’enfant du pays. C’est que Boumediene y est encore adulé par beaucoup, y compris les plus jeunes qui n’ont pourtant pas connu ce que beaucoup considéraient comme des années de plomb.
Pour Hassan, jeune étudiant à l’université du 8 Mai 1945, «Boumediene représentait l’Algérie dans ce qu’il y a à la fois de simple et de majestueux. Il était simple dans ses faits et gestes. Il ne cherchait pas à se faire remarquer, comme le fait Bouteflika. Et il ne cherchait pas à avoir une grosse fortune. Voilà ce qu’il manque en Algérie, des hommes d’Etat simples.» D’autres plus âgés, comme Fella, fonctionnaire, ont une opinion cinglante à l’égard de l’actuel chef de l’Etat, qui, selon elle, «ne fait rien pour contrer le désastre dans lequel se trouve notre pays.
Du temps de Boumediene, parlait-on des harraga ? Y avait-il des émeutes ? Non. Avec Bouteflika, nous vivons avec un dinar dévalué, une crise du logement sans précédent, un chômage qui tarde à se résorber. Ah, on peut nous parler de l’autoroute Est-Ouest, mais ce sont les Chinois qui ont travaillé dessus. Jamais Boumediene n’aurait laissé faire ça. Pour lui, la priorité était aux nationaux. Allah yrahmou. Je ne sais pas si l’Algérie reverra des jours comme à cette époque qui a bercé ma jeunesse.»
26 décembre 2011
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