15 avril 1999. C’est la consécration pour celui qui fut, pendant treize ans, le ministre des Affaires étrangères de l’homme du 19 Juin. Après une traversée du désert de vingt ans, celui qui était pressenti pour assurer la succession, prend enfin sa revanche sur ses détracteurs. Et il le fait clairement comprendre, au fil des années, à tel point que même les nostalgiques de l’ère Boumediene se détachent progressivement de lui.
Rencontré dans une rue d’Alger, Aammi Mourad, âgé de 75 ans, ne mâche pas ses mots : «Il a trahi le Président, il a trahi l’homme, il a vendu l’Algérie. Jamais, il n’y aurait eu tout ça en Algérie dans les années 1970. Jamais les sociétés étrangères ne se partageraient le pays comme cela. Et puis, regardez la politique étrangère. Un vrai gâchis ! L’Algérie est devenue inaudible. Loukane ibiîna le bled le Isra’il kheir…» La déception se lit sur le visage de tous les nostalgiques d’une époque à jamais révolue.
En 2004, beaucoup ont constaté que les plus proches parmi les plus proches de Boumediene, en l’occurrence sa propre femme Anissa, lui ont complètement tourné le dos, en préférant soutenir Ali Benflis, lors de la présidentielle. Du côté de Guelma, les portraits de Bouteflika se font rares, contrairement à ceux de l’enfant du pays. C’est que Boumediene y est encore adulé par beaucoup, y compris les plus jeunes qui n’ont pourtant pas connu ce que beaucoup considéraient comme des années de plomb.
Pour Hassan, jeune étudiant à l’université du 8 Mai 1945, «Boumediene représentait l’Algérie dans ce qu’il y a à la fois de simple et de majestueux. Il était simple dans ses faits et gestes. Il ne cherchait pas à se faire remarquer, comme le fait Bouteflika. Et il ne cherchait pas à avoir une grosse fortune. Voilà ce qu’il manque en Algérie, des hommes d’Etat simples.» D’autres plus âgés, comme Fella, fonctionnaire, ont une opinion cinglante à l’égard de l’actuel chef de l’Etat, qui, selon elle, «ne fait rien pour contrer le désastre dans lequel se trouve notre pays.
Du temps de Boumediene, parlait-on des harraga ? Y avait-il des émeutes ? Non. Avec Bouteflika, nous vivons avec un dinar dévalué, une crise du logement sans précédent, un chômage qui tarde à se résorber. Ah, on peut nous parler de l’autoroute Est-Ouest, mais ce sont les Chinois qui ont travaillé dessus. Jamais Boumediene n’aurait laissé faire ça. Pour lui, la priorité était aux nationaux. Allah yrahmou. Je ne sais pas si l’Algérie reverra des jours comme à cette époque qui a bercé ma jeunesse.»
Mohamed Chafik Mesbah. Ancien officier supérieur de l’ANP et politologue*
«Le souvenir de Boumediène renvoie, malgré les privation endurées, à une forme de grandeur nationale»
le 23.12.11 | El watan
26 décembre 2011
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