Samedi, 03 Décembre 2011
Il n’y a pas si longtemps, j’écrivais que s’il avait choisi un chemin parsemé de notes musicales, il n’oublia pas pour autant que chanter n’est pas la seule alternative à opposer à la culture de l’oubli et à la félonie des clercs. C’était pour cette raison qu’il reprit le témoin de cheikh Mohamed Fekhardji, Mohamed Lakehal et Abderrahmane Belhocine. S’il est l’enfant adulé de la société citadine d’Alger et des autres lieux de mémoire emblématiques de ce pays, il est devenu l’enfant chéri des mélomanes tunisois, en l’espace de deux magnifiques concerts donnés au Centre des musiques arabes et méditerranéennes Ennejma. Votre chroniqueur du samedi était lui aussi de la fête sur le magnifique site de Sidi Boussaïd. Mais il ne le sera pas à Tlemcen, au moment où la capitale des Zianides s’apprête à honorer le grand chantre algérois. La bêtise humaine et l’inqualifiable négation imposée aux patriotes de ce pays en ont décidé ainsi. Mais pas pour longtemps car les hommes passent, les écrits sur les trahisons et les forfaitures restent…J’ai toujours en mémoire son éclatant succès remporté en 1995 à New York et à Washington. La chaleur et la ferveur avec lesquelles le New York Times a accueilli le concert de Mohamed Khaznadji, puisque c’est de lui qu’il s’agit, traduit on ne peut mieux les nouvelles qui nous parviennent toutes frémissantes encore des enthousiasmes des publics tunisois, marocain, italien, français, belge, et hollandais particulièrement heureux de découvrir la noblesse d’un patrimoine artistique millénaire. À un moment où le GIA décrétait la musique illicite et le président de l’Association Al Andaloussia d’Alger, que je suis, décidait de créer des classes de musique classique algéroise au sein d’un établissement scolaire…et de sortir ces quelques fragments des siècles d’or de l’Andalousie arabe, berbère et vandale des ghettos réducteurs et localistes pour les rendre accessibles à tout Algérien, à la faveur de concerts organisés dans les quartiers populaires. Natif, en 1929, de La Casbah d’Alger, il a constamment baigné dans un milieu familial où la musique occupait une place de choix. Dans un milieu très au fait de la richesse et des subtilités d’une muse tantôt adulée, tantôt décriée à l’instigation de contingences imposées à la réalité concrètes par des dissonances à l’honneur dans une société sempiternellement appelée, à chaque impasse politique et sociale, à se replier sur elle-même pour mieux, semble-t-il, se préserver. L’environnement immédiat jouera un rôle déterminant dans la décision de Mohamed Khaznadji de consacrer plus d’attention à une expression artistique qui le subjuguait. La dimension mystique à l’honneur à La Casbah d’Alger y avait grandement contribué. Porté par une ferveur nationaliste et un penchant insondable pour l’illumination soudaine, le Vieil Alger connaissait des moments fastes grâce à des personnalités marquantes, à l’image de cheikh Abdelhalim Bensmaïa ou à des espaces emblématiques comme le mausolée de Sidi Abderrahmane at-Thaâlibi où le chant religieux, et les mouloudiate avaient droit de cité. Durant cette prodigieuse période, la religiosité et l’art musical y favorisaient de merveilleux entrelacs dont les origines datent d’abord de l’époque où Alger fut une principauté zianide et ensuite du XVIIe siècle. Le jeune Mohamed Khaznadji choisira vite la voie à suivre a fortiori lorsqu’elle est éclairée par des personnalités aussi prestigieuses que les cheikhs Boukandoura, Bestandji et Benchaouch qui lui révélèrent la dimension mystique du patrimoine musical classique algérois. L’accès à l’apprentissage des techniques instrumentale et/ou vocale interviendra à l’âge de 17 ans, en 1946, date à laquelle il rejoindra la société musicale Al-Hayet créée dans le prolongement des activités nationalistes et sportives du Mouloudia club d’Alger. Il professera aux conservatoires d’Alger et d’El-Biar et prendra part à la création d’El-Fen ouel Adeb d’Alger, une association qui compte de nombreux martyrs de la cause nationale.
A. M.
zianide2@gmail.com
19 décembre 2011
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