Samedi, 19 Novembre 2011
Il était poète, dramaturge, mais également humaniste. La troisième vie de cet auteur a été à l’ombre des souvenirs et des témoignages. Ce n’était pas un soliloque, mais des fragments…
Vingt-deux ans après sa disparition, Kateb Yacine suscite toujours engouement et intérêt. À ce sujet, l’auteur et le réalisateur algérien Brahim Hadj Slimane affirmait que “retourner vers Kateb Yacine est toujours une première fois”. Ce retour a eu lieu mercredi dernier à 14h30, au Centre culturel français d’Alger, dans le cadre d’une rencontre intitulée “Kateb Yacine, le poète rebelle”, proposée par ce réalisateur avec Fadéla Kateb, Yahia Belaskri Raymond et Stéphane Gatti.
Ladite rencontre a été précédée d’une projection d’un court film de 26 minutes la Troisième vie de Kateb Yacine signée par le réalisateur susmentionné. Ce documentaire, réalisé en 2008, revient sur l’aventure théâtrale de cet écrivain de talent. Des témoignages poignants et saisissants de plusieurs personnes qui ont côtoyé cet homme, à propos d’une “épopée théâtrale aussi belle et intense que méconnue”.
Prenant la parole tour à tour, les intervenants avaient ouvert le livre des souvenirs, partageant avec l’assistance, fort nombreuse, des anecdotes, leurs rencontres avec le géant de la littérature algérienne, qui n’a pas dérogé à ses principes, consacrant sa vie à l’écriture, qui était un moyen de contestation.
Ils étaient unanimes à mettre en avant les qualités humaines de l’auteur, mais également l’aura qu’il dégageait et son côté rebelle. Raymond Gatti, reviendra sur sa première rencontre avec Yacine.
De passage à Alger pour des reportages sur les personnes internées dans les asiles psychiatriques, il y rencontre une femme en pleurs, qui lui demande de s’occuper de ses enfants. C’était la mère du poète rebelle. Profondément ému, Raymond Gatti entame des recherches et retrouve celui qui deviendra son frère d’adoption, qu’il emmena avec lui à Paris et le fit entrer dans le cercle, très fermé à l’époque, de la littérature et de l’édition. En effet, c’est grâce à lui que Yacine a pu avoir son nom inscrit dans les registres des éditions le Seuil en qualité d’auteur avant même d’être édité.
À propos de l’œuvre littéraire katébienne, Yahia Belaskri, journaliste et écrivain, a affirmé que le roman Nedjma l’avait beaucoup marqué. Il en est de même de sa rencontre avec l’auteur. Impressionné, il ne faisait que boires ses paroles.
Devenant à son tour écrivain, Y. Belaskri se considère “comme l’élève de Kateb Yacine”. Même sentiment chez Brahim Hadj Slimane et Stéphane Gatti qui est l’auteur du film Kateb Yacine, poète en trois langues.
Par ailleurs, abordant les inspirations de cet auteur, sa sœur Fadéla Kateb a déclaré que la première muse à inspirer son frère était leur mère Yasmina, appelée la Rose noire de l’hôpital psychiatrique. Elle lui apportait ce dont il avait besoin pour démarrer une œuvre. Le contexte politique et social de l’Algérie, voire même du monde, a été entre autres un déclic des choix dans l’écriture, surtout théâtrale. En effet, le théâtre de Kateb, contestataire, était une sorte de méandre de mots et de phrases mettant en cause le politique de l’époque. Auteur, dramaturge, Kateb Yacine a brillé dans ces domaines. Cependant, il brillait dans la poésie, son premier amour. Dans l’écriture on ne peut tout dire. Mais on peut tout montrer et c’est la poésie qui le peut.
Dans son témoignage, Stéphane Gatti a avoué que Kateb Yacine a mis “l’écriture à l’épreuve de la réalité”. Et d’ajouter que “le poète est celui qui écrit quel que soit le support”. La beauté du verbe n’altérait en rien le côté rebelle chez lui. Elle servait.
Amine IDJER
19 décembre 2011
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