Mercredi, 07 Décembre 2011
S’il est mort depuis cinquante années déjà, son combat contre l’avilissement qu’engendrent le racisme et le colonialisme est loin de connaître son dénouement. Ses écrits constituent un inestimable legs à tous les damnés de la terre.
C’est à la salle Rouge de la Bibliothèque nationale d’El Hamma, que se sont ouvertes les Journées d’étude dédiées à Frantz Fanon, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la disparition de ce psychiatre, penseur, essayiste et militant, né en Martinique en 1925, et mort à l’âge de 36 ans, dans son pays, l’Algérie.
Placées sous l’égide du Ministère de la culture et organisées par le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH) et l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC), ces journées d’étude intitulées Frantz Fanon aujourd’hui tendent à célébrer une œuvre qui s’avère aujourd’hui d’une brûlante actualité. L’écho de la pensée de Fanon qui se place au centre des angoisses contemporaines, sonne fort et résonne loin, aujourd’hui plus que jamais, dans un monde en souffrance, secoué par tant d’événements. Frantz Fanon qui n’a eu qu’une courte vie, a réussi par son engagement, “à transmettre son message qu’il a imprimé en lettres de feu”, comme l’a signalé son fils, Olivier Fanon, lors de la séance inaugurale, qui a compris également un discours de la ministre de la Culture, lu –malgré sa présence- par Slimane Hachi, directeur du CNRPAH.
Place ensuite à la première séance de ces journées d’étude, qui a contenu des témoignages de personnes qui ont connu, travaillé et milité aux côtés de Frantz Fanon. Présidée par Mohammed Taïbi, cette séance s’est ouverte par le témoignage poignant d’Olivier Fanon, qui a raconté son père ; de sa prise de conscience et la naissance de son engagement, à sa déception lors de sa participation à la Seconde guerre mondiale –Olivier Fanon a cité une lettre que son père avait écrite à ses parents- jusqu’à ses années algériennes marquées par l’exercice en tant que psychiatre à l’hôpital de Blida, et son action durant la guerre de Libération nationale dans les rangs du FLN. Si au départ, “la Martinique constituait pour lui un laboratoire à ciel ouvert” pour ses recherches, il comprendra très vite, lors de son travail à l’hôpital de Blida (qui porte son nom aujourd’hui), que les patients qu’il traitait étaient surtout “malades de la colonisation”. Car Frantz Fanon a constaté que c’était de la colonisation que découlait leurs souffrances mentales. Aux côtés du chanteur populaire, Abderrahmane Aziz, qui exerçait en tant qu’infirmier, Frantz Fanon pratiquait la socialthérapie. Le psychiatre a également rejoint le maquis de la Wilaya IV pour soigner les moudjahidines. Il démissionnera et se retrouvera en 1956 expulsé de l’Algérie par le gouvernement colonial, parce que “Fanon faisait partie de ces hommes qui n’acceptaient aucun compromis”. Olivier Fanon qui a exprimé son indignation quant au fait que la célébration du cinquantenaire de la disparition de Fanon, en France, soit “empaquetée dans la célébration de l’année des Outres-mers”, a soutenu que son père était “né colonisé mais il est mort en homme libre”, et que sa pensée demeure “en perpétuel mouvement”. De son côté, Pierre Chaulet, figure de la résistance algérienne, s’est intéressé dans sa communication intitulée Fanon aujourd’hui à ceux qui se sont opposés à Fanon, à ceux qui étaient contre ses écrits et sa pensée. Avec des exemples à l’appui (mais sans citer les noms), l’intervention était édifiante, d’autant que M. Chaulet à évoquer “la récupération tardive” qu’on a fait de Fanon. Il a conclu en déclarant : “Sa pensée s’est développée au contact de ses frères de lutte. Son message reste d’actualité dans un monde qui a profondément changé”, mais où les luttes d’autrefois ne sont pas si révolues qu’on pourrait le penser. Pour sa part, Lamine Bechichi a relaté l’aventure de l’équipe d’El Moudjahid, à Tunis, et dont Frantz Fanon faisait partie. Youcef Chaâbane (Égypte) est revenu sur sa propre lecture de l’œuvre de Fanon, et la manière dont la pensée à fait naitre l’esprit de la révolution et la révolte chez son peuple. Aujourd’hui, ces journées d’étude (ouverte au public) se clôtureront avec deux axes de réflexion, notamment les “Dimensions théoriques” et les “Dimensions socioculturelles de l’œuvre de Frantz Fanon”, et l’actualité de sa pensée.
Sara Kharfi
19 décembre 2011
Contributions