Auteur : boutaraa farid
E-mail : bakadi44225@yahoo.fr
L’aventure ambiguë de la culture
Comment sera la génération future si nous gâchons maintenant le volet de la culture ? En effet, la notion de la culture chez nous demeure floue et un peu archaïque. Une vision sombre qui prédit des jours d’ombres. La culture est malade et nos responsables ont besoin de balades dans les petites villes oubliées par le temps. Des sorties qui renseignent sur le quotidien des jeunes privés de tous les loisirs qui permettent à l’être de s’épanouir et de grandir au sein d’un milieu qui savoure le chant, la poésie, la danse, le dessin, la sculpture, la poterie, le sport, la lecture, l’écriture et toutes les autres voies de l’expression de l’humain. Ces moyens qui tissent les liens et qui hissent l’humain vers les nobles valeurs et qui feront de lui un être sensible à la nature et à ses secrets. Un être agréable et gentil et qui fera tout pour semer la paix partout, où il va et qui aura toute la terre pour patrie, car dans son regard, il n’y aura
jamais de frontières. Un individu qui aura l’amour du livre et de la lecture. Un amour qui l’aidera à développer ses penchants vers le sacré et tout ce qui est salé et sucré. Une aptitude vers le mythe, vers la perception de ce qu’il veut connaitre : ses orientations, ses origines, ses choix, son but. Un être cultivé qui accordera au livre une place privée, car il sait pertinemment que c’est avec le bouquin qu’il apprendra à rêver.
En effet, C’est le bouquin qui envoûte les âmes sensibles à l’art et qui invite les esprits à de nouveaux départs vers de nouveaux horizons, où le temps n’est que brises d’amour et de bonté. Un voyage vers un univers, où les regards appellent et les amas de murmures interpellent. Des sorties vers les monts, les grottes, les rivières, les océans, les déserts et les vallées. Des échappées vers un monde du passé, où l’être sera subjugué par tant de beautés, de miroirs de châteaux, de murs décorés et des portes sans clés. Des escapades à des univers irréels, où les Sirènes dansent sous des jets d’eaux et où des soupirs de fontaines limpides et intarissables parlent des langages bizarres et doux. En effet, c’est le manuscrit qui demeure l’ami fidèle de l’anachorète, du poète et de l’étudiant. Il est la mémoire de toutes les nations et le rêve de tous les aèdes. Il est le produit de beaucoup d’années de lecture et
de tant de nuits de méditation, où l’écrivain tente de fuir ses peurs, ses frustrations et ses ennuis. Il est le labeur des gens sensibles, qui au lieu du sabre, ils ont opté pour la plume. Un choix afin d’éclairer les humains des dangers de cette vie qui n’est qu’un mensonge, un bout de bois, un beau visage pour celui qui ne décode hélas pas le message. Car sans prévenir, la vie se retire et devient temps du passé, revoulu, jamais saisissable, telles des particules de sable soulevées par un vent présent mais impalpable.
Il est vrai, en Algérie, le livre a toujours été l’ami sacré et même si notre culture avait comme base la source orale. Qui ne se rappelle plus des contes des grands-mères ? Des histoires trop aimées et qui nous poussaient à partir tôt rechercher une place chaude devant un braisier, en alitant qu’une toison déchirée et en ayant parfois que le bout d’une couverture sur la moitié du corps. La grand-mère exigeait le silence et nous étions tous qu’un bout d’oreille. Les histoires étaient merveilleuses et notre curiosité était si vaste. C’était un stimulus indirect qui avait crée chez nous cette quête de nouvelle sensations. Une passion si vive et si douce qui nous obligeait à partir chaque soir vers de nouvelles contrées pour juste connaître les coutumes et les mœurs des sociétés lointaines et surtout les parfums d’un monde magique et plein de surprises. Un univers toujours en mouvement que la lecture un peu plus tard, offrait à nos
yeux d’enfants naïfs. La lecture était la seule distraction qui pouvait nous offrir la joie de déguerpir des atrocités du quotidien morose pour rejoindre le pays de l’amour et de l’action. Le livre était notre billet pour franchir les montagnes et les mers. Il était notre seul salut et chacun avait pour son argent.
Le livre était cet ami qui nous accompagnait en silence et qui remplissait nos têtes de mioches de nourritures saines.
A l’époque, l’Etat Algérien dépensait beaucoup d’argent pour répondre aux besoins de ses petits et les librairies étaient riches et pleines de titres. En effet, les jeunes comme les vieux chacun pouvait choisir le bouquin qu’il voulait déchiffrer et la lecture était la seule distraction, car la télévision était un luxe réservé aux riches uniquement. Alors, les petits avaient l’habitude de dévorer les « bandes dessinés » , les jeunes finissaient facilement un ou deux romans par nuit et les vieux avaient la part des lions. C’était aussi, l’époque des lectures en cachette de certains romans interdits et surtout, la jubilation à la fin de chaque manuscrit. Les histoires des héros étaient les nôtres et on voyageait réellement chaque nuit avec les personnages de ces chroniques et on partageait les peines et les joies des actants et jamais nos doigts ne lâchaient le livre malgré la fatigue de nos yeux, car ne pas finir était une in
sulte à soi et une preuve de lâcheté en vers l’auteur. Donc, il fallait achever nos décryptages silencieuses et de ne fermer l’œil qu’avec le dénouement final de l’intrigue. L’œuvre littéraire était l’ami qui meublait nos solitudes et c’était notre unique évasion vers des horizons lointains, où Baudelaire nous fascinait avec ses fleurs du mal et son Spleen de Paris. Balzac et Zola nous étonnaient par la finesse de la description des mœurs de la société Française du XIX siècle, et Stendhal et Flaubert nous expliquaient les tourments de la passion et nous laissaient savourer les délices de l’amour impossible entre une femme belle et un jeune amant souvent naïf et sans expérience. Ensuite, il y avait nos propres auteurs qui étaient nos princes et nos idoles. On peinait devant « Nedjma » de Kateb Yacine, on raffolait les œuvres de Dib, de Feraoun et de Mammeri. On était fier du courage de Tahar Wetar, intrigués par l’audace de Bo
udjedra et Assia Djebar avait fait de nous des assoiffés de la culture.
La lecture était la base de notre instruction, l’aliment de notre imagination et la sève nécessaire pour notre vie et celle surtout de notre esprit. Le bouquin nous accompagnait pendant nos vacances et on dégustait assez d’ouvrages tout en réclamant davantage, afin de satisfaire cette soif du savoir et aussi pour pouvoir triompher sur les autres et gagner l’estime de nos professeurs de français et d’arabe qui étaient étonnés devant notre volonté d’apprendre toujours plus.
Il est vrai, la nourriture des esprits était la priorité des priorités, car l’Algérie voulait former ses futurs cadres. Alors, collèges, lycées et universités avaient leurs bibliothèques pleines et les plus passionnés ne sortaient que la nuit pour y revenir tôt le matin pour terminer un auteur. C’était l’époque de l’abondance et rares étaient les gens qui n’avaient pas profité de cette aubaine. C’était la période, où les responsables voulaient instruire réellement un grand nombre de jeunes, afin qu’ils sachent bâtir un Etat fort. Un pays qui compterait sur les livres et non pas sur les vivres.
En effet, les années 70 et 80 étaient les meilleurs moments de cette Algérie indépendante. Une époque de stabilité et de bonheur, malgré quelques restrictions d’ordre politique.
Que s’était- il réellement passé après et pourquoi les livres sont devenus aujourd’hui un produit de luxe ?
Certaines analyses citent tout d’abord, les parents. Il parait que ces derniers ne lisent plus comme avant à la maison par manque de temps et de ce fait, l’enfant d’aujourd’hui, ne prend pas le relais du moment qu’il n’a pas été contaminé par le virus de la lecture. En plus, les nouveaux moyens de distraction et loisir comme la télévision, le cinéma les jeux vidéo et surtout le net ont massacré toute tentative des pauvres enseignants, qui proposaient la lecture aux apprenants afin que ces derniers puissent comprendre les textes et pouvoir s’exprimer avec aisance.
D’autres études avancent que les responsables de ce domaine n’ont qu’une vision restreinte sur la culture et qu’il est temps pour une prise réelle des responsabilités. Ils doivent comprendre qu’ils sont à côté de la plaque. La culture n’est pas un résumé de quelques soirées mondaines de chant et de danse. Une façade pour brûler des milliards, juste en invitant des étrangers alors que l’artiste local doit se débrouiller tout seul pour faire vivre sa famille. Un pays, où la culture est un slogan qu’on exhibe les jours de fête. Si non comment expliquer la construction de deux boites à sardines pour une population de presque cent mille âmes à Khemis Miliana. Un exemple vivant de l’état de la culture chez nous et comment tout est centralisé dans le siège lieu de wilaya, alors que la ville d’El Khemis possède un Centre Universitaire, où rien que les étudiants étrangers sont presque mille. Deux petites boites à sardines achevées de
puis deux ans, mais qui restent vides et les élèves et les étudiants devraient attendre le siècle suivant ! Il semble que nous progressons vers l’arrière et ce qui compte le plus pour l’algérien demeure le logement et le travail. Une fuite en avant qui aura des conséquences graves si la culture demeure absente. Des répercussions sur la société, car les futures générations seraient insensibles aux appels de la raison et à ceux de la patrie mère l’Algérie. Les jeunes seraient violents et agressifs. Des petits nerveux et sans sentiments envers tout ce qui est beau et joli. Ils seraient des êtres sans consciences et tout ce qui compte pour eux sera : comment sauver la face. En un mot, nous aurions une génération de la glace. Des enfants incontrôlables qui peuvent détruire tout l’héritage de notre si beau pays qui a survécu à tous les maux à travers tous les âges. En effet, les prémices sont là : des rixes, des agressions, des vols et des ins
ultes sont dans tous les quartiers des petites et les grandes villes de cette vaste Algérie. C’est le chaos total et même les policiers n’ont plus la couverture juridique pour oser régler tout un désordre social qui n’a ni queue, ni tête. Un malaise provoqué par un mutisme des autorités qui ne font qu’observer les dégâts d’un glissement qui mènera à l’absence du respect de l’ordre et de là, découle tout un écart de la civilisation vers l’anarchie et l’exemple des marchés informels parlent d’eux-mêmes.
Cependant, rien n’est perdu encore et nous avons les moyens pour palier à toutes les contraintes qui entravent les bonnes intentions de beaucoup d’algériens jaloux de leur pays. Des algériens capables de lever le défi et qui n’attendent qu’un coup de main de l’Etat pour la création des associations culturelles et de quartiers qui chapoteront les instances culturelles des wilayas et des communes et qui auront la chance de discuter avec les hauts responsables de la culture au niveau du ministère. Des rencontres fructueuses pourraient semer l’espoir chez les jeunes retraités qui n’ont jamais travaillé et qui sont tous devenus des revendeurs d’occasion.
L’espoir demeure avec l’implantation d’une nouvelle philosophie qui se base sur la valorisation du volet culturel et non pas celui du savoir et du commerce. Il faut que les activités culturelles soient ces voies qui charment l’enfant et le pousse à fuir le vide et tout ce qui est vilain, bas et absurde. C’est l’activation des structures associatives aux sein des établissements scolaires qui offrent la chance aux élèves les moins branchés avec les études de trouver une issue favorable pour développer une passion, où perfectionner un don. En second lieu, nous avons les activités sportives qui exigent de l’argent et non pas des promesses. En dernier lieu, nous comptons sur le bouquin qui ne doit plus être considéré comme un fruit exotique réservé aux riches. Toujours dans l’espoir de voir naitre une nouvelle vague d’auteurs qui vont remplacer les plus anciens. Un souhait de tous les intellectuels algériens de voir aussi des concours de litt
érature, où les jeunes talents peuvent goûter aux délices des prix qui les encouragent à épouser le métier d’écrivain. Des motivations à produire des œuvres qui peuvent hisser notre culture vers les chemins de la gloire tout en permettant à nos amis du monde entier à savourer nos fêtes, nos nuits de noce, nos histoires d’amour, nos chants traditionnels et surtout nos courses de chevaux.
Il est temps pour l’émergence de nouveaux auteurs d’œuvres sensibles à la beauté du site, fidèles aux martyrs, et respectueux des valeurs sacrées de la nation. Des jeunes dévoués pour l’Algérie et qui expriment leurs souhaits, leurs rêves et leurs attentes avec des mots tendres volés du registre de la langue du cœur et non pas de celui de la violence et de la haine. Un retour aux sources des aïeules et aux valeurs inchangeables à travers le temps et qui étaient le seul capital qui avait permis à nos ancêtres de vaincre la peur. Ce patrimoine qui avait éclairé les âmes et purifié les cœurs et où, l’Algérie, la mère patrie était l’objet de toute les quêtes. Cette Algérie qui avait inspiré Moufdi Zakaria l’arabophone et son « IYADA » et Kateb Yacine le maestro de l’art et son chef-d’œuvre « Nedjma », Un roman qui rappelle et interpelle l’Algérien de son passé glorieux et mythique. Un passé qui se conjugue avec un
présent et où, la femme désirée reste inaccessible, toujours belle et rebelle. Une femme qui séduit et qui fascine. Une Algérie toujours en quête d’amour, de passion et d’aventure, mais qui n’a qu’un rêve, celui de s’épanouir au milieu de gens honnêtes, cultivés et braves.
BOUTARAA- Farid- Publié au Quotidien d’Oran le 15 décembre 2011
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16 décembre 2011
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