par Farouk Zahi
Mais, est-il encore suffisant pour influer sur le cours des évènements qui se précipitent et qui alimentent les chroniques journalières écrites ou parlées ?
La plus vieilles des indignations a, sans doute, été la pratique électorale usitée jusqu’à nos jours. A force de manipulation, l’urne est devenue cette boîte de Pandore dont sont issus tous les maux. Restera toutefois l’espérance, qui sauvera, selon la mythologie hellénique, ce qui peut l’être. Espérons-le !
Les guerres que se livrent les clans partisans sont autant de signes révélateurs de cupides desseins pour la prébende, l’entrisme et le clientélisme. On milite pour les dorures électives, le cérémonial et la ristourne. La cause, la noblesse du combat sont ringardes ; elles font partie du désuet qui fait sourire. On a de regard que pour Port Said Exchange et le centre d’affaires du Paradou. Les places fortes de l’enrichissement vertigineux sont El Eulma, Tadjenant, Mohammadia, la main d’œuvre manutentionnaire y est dorée. On peut y gagner jusqu’à 10.000da par conteneur déchargé. A l’instar des Asiatiques, les tigres algériens ont construit leurs empires financiers sur l’immobilier et sur le commerce informel. L’offrande ou le cadeau sont dans l’ordre de l’appartement ou de la voiture rutilante ; les alliances se font rarement en dehors du «milieu» qu’il soit médical, judiciaire ou d’affaires. Le souci de préservation de la lignée prime sur toutes les autres considérations. La classe moyenne, faite de fonctionnaires, d’employés et de petits métiers, jadis fleuron du pays, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle végète d’expédients qu’elle tente de dissimuler sous des dehors faussement bourgeois. Le corps social, s’il peut encore signifier quelque chose, est tel qu’un impotent grabataire, mité par les asticots. L’underground économique a bouleversé les concepts étymologiques : le vocable chômeur a diverses connotations. Il peut définir un quidam sans emploi, mais qui a néanmoins un revenu régulier comme il peut définir un rentier durable. Des jeunes émargeant sur le dispositif du Filet social passent, paradoxalement, des vacances aux Baléares ou sur les rives du Bosphore. Les filles, ces «laissées pour compte» sont la nouvelle force de frappe des intrigants du sérail. En chapeau melon et bottes de cuir, elles ont investi le monde politico-financier. Usant de leurs charmes, elles réduisent en miettes toute résistance. Elles peuvent recueillir par le truchement de «confidences sur l’oreiller» des informations que l’espionnage économique peine souvent à obtenir. Libérées des préjugées sociétaux, elles nouent et dénouent des alliances avec des centres de décision. Des chefs d’entreprises dont les motivations sont loin d’être innocentes, proposent des cures de délassement à des responsables de haut rang «éreintés» par le développement local dans des résidences discrètes qui dispensent de la félicité temporelle. Ces «repos du guerrier» dignes des orgies païennes se font, malheureusement, au détriment de la chose publique, de la mission élective et de l’obligation de réserve due à la fonction occupée. Dans le sens inverse, il est parfois organisé des cordées d’amazones qui vont dans les profondeurs territoriales. Voyage et séjour payés, elles aideront les principautés à réveillonner dans une ambiance festive ivre de joie. On y implique le maximum de monde pour se prémunir des embardées punitives. Les lendemains de fêtes seront confiés à l’omerta.
On ne s’indigne plus quand en propose un poste de travail, pourtant précaire, pour une «chippa» de 100.000 DA ou la réussite à un magistère pour 800.000 DA. Une enseignante universitaire justifie cette prévarication par le fait de la cherté des matériaux de construction ; elle invoque à ce titre le coulage imminent de sa dalle. Le drame serait qu’elle pousse la candeur jusqu’à l’avouer en toute bonne foi. Les voies de l’absurde sont insondables ! L’enfant est encore ce moule dans lequel on déverse, sans y prendre garde, le magma de toutes les inconséquences d’un mode de vie sans repères. A la rentrée du récent Aid El Adha, les enseignants s’en retournèrent bredouilles. Les élèves n’ont pas cru bon de rejoindre les bancs de l’école. Ils doivent considérer qu’il ne sert à rien de courir les exemples de réussite sociale foisonnent dans l’environnement immédiat pour se dire : «A quoi sert-il de se casser les nénettes le trabendo est le meilleur moyen de se faire une place au soleil». Quant au monde du culte, ce dernier est sorti depuis bien longtemps de l’ornière ascétique. Des prédicateurs BCBG, avec pignon sur rue tirent de substantiels revenus de la «Rokia». Habitant les hauteurs et roulant en 4/4 sud coréens, rien ne les distingue des nantis sauf, peut être, une discrète barbe rousse et une djellaba immaculée. Moyennant une prise en charge matérielle totale, ils se substituent religieusement à ceux empêchés par une quelconque incapacité qui font vœu de pèlerinage. Ils mettent leurs épouses à contribution pour haranguer la gent féminine à l’effet de susciter des dons de préférence aurifère «destinés» aux nécessiteux. Ne faut-il pas s’indigner de ces praticiens médicaux qui font tout pour rendre déserts les services publics mais qui fertilisent les cliniques privées par leur savoir-faire acquis grâce la communauté nationale ? Que l’on fasse payer le nanti au juste prix, cela peut se concevoir, mais rendre le démuni financièrement exsangue, est à notre sens inique.
Cet arrêt sur image n’a rien d’excessif, encore moins de moralisateur ; il est simplement la restitution d’une réalité à laquelle nous nous accoutumons et qui, par la banalisation, devient addictive.
26 novembre 2011
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