halliahmed@hotmail.com
«Je suis en bonne santé, et je vous dis « toz », bande de rats !» C’est ainsi que le dernier des Kadhafi, et premier dans la ligne de succession dynastique, Seïf Al- Islam, s’adresse à ses ennemis. En tête de ces derniers figurent bien évidemment les rebelles du Conseil national de transition (CNT) et les alliés occidentaux. C’est, du moins, ce qu’a rapporté hier en première page le quotidien Ennahar Al- Djadid.
Le défi et le mépris sont clairs, et le «toz», désormais estampillé, est là pour attester de l’authenticité du propos.
Dans le cerveau de l’un des derniers survivants de cette saga familiale démentielle et sanglante, tous les opposants sont des rats. Même ceux d’en face qui ont des glaives plus affûtés que l’arme qui lui sert de prénom sont assimilés à cette variété animale qui inspire la répulsion. Les Libyens qui ont fêté, souvent de manière quelque peu indécente, la mort du dictateur sont des rats, voués à l’extermination. Bien entendu, vous êtes dispensés de la formule rituelle lorsque vous tenez un rat dans votre collimateur, ou que votre couteau est prêt à lacérer sa gorge. Chez certains adeptes de l’abattage rituel, plus les couinements sont aigus, plus vous gagnez en bons points, des «hassanate», comme disent les bien-priants. Pur hasard ou choix délibéré, Ennahar Al-Djadid fait état dans sa page confidentielle de la dernière fatwa du théologien attitré du mouvement Al-Qaïda, le nommé Abou Mohamed Al-Maqdissi. Ce dernier, assailli de questions existentielles sur le caractère licite de l’utilisation de prises anti-moustiques électriques, a émis, sur son blog, une fatwa favorable. Il s’est appuyé sur un Hadith, dont je ne garantis pas l’authenticité, et qui dit à peu près ceci : «Le maître (utilisateur) du feu subira le châtiment du feu.» L’idéologue en chef d’Al- Qaïda proclame donc que l’usage des diffuseurs électriques contre les mouches et les moustiques n’est pas contraire au Hadith. Ce qui fait dire au commentateur qu’après avoir publié des fatwas incitant à exterminer, comme des mouches, les peuples musulmans, et plus particulièrement les Algériens, Al-Maqdissi franchit un nouveau palier avec une fatwa contre les moustiques. Pour ne pas être en reste, Al-Azhar a fait aussi dans l’absurde cette semaine avec une fatwa interdisant aux Egyptiennes de se marier avec des personnalités de l’ancien régime. Il serait vain d’essayer de comprendre les motivations et les cheminements qui ont conduit à l’élaboration de cette étrange fatwa. Il serait intéressant, en revanche, de spéculer sur la destinée de certains utilisateurs de noms d’animaux nuisibles pour qualifier leurs ennemis. On peut se demander, en particulier, si ce n’est pas à force de traiter ses adversaires de rats que Kadhafi a fini, terré et serré dans un boyau d’évacuation. Ni comment la déchéance et la triste fin d’un homme qui fraya avec les «grands» de ce monde peut inspirer une joie aussi malsaine. J’avoue que j’ai de la peine à me trouver le plus petit dénominateur commun, que ce soit avec le pitoyable vaincu ou avec ses cruels vainqueurs. Du temps où j’étais entouré de bons musulmans, on m’a enseigné que la cruauté était détestable et condamnable. Aujourd’hui, les images de la télévision montrent bien que c’est devenu une vertu fondamentale. Cette vertu est aussi l’apanage des inconscients ou des fanatiques provocateurs, qui vont dire la «Prière de l’absent » en mémoire de Kadhafi. Le clan Kadhafi a toujours fait preuve de mépris à notre égard, comme lorsqu’il a refusé de nous prêter de l’argent lors de la décennie noire, mais il inspire encore de l’amitié à nos «rongeurs». Sinon comment expliquer encore que la «Mama» Kadhafi se permette de nous infliger un nouveau «toz» après celui qu’a lâché sa fille Aïcha il y a quelques semaines ? On se souvient qu’elle avait lancé un véritable cri de guerre sur une chaîne satellitaire pro-régime syrien et à partir de son exil algérien, nous plongeant encore plus dans l’embarras. Si on continue de laisser faire, je crains que ces «toz»-là ne deviennent une habitude et ne rendent l’air encore plus irrespirable sur les hauteurs d’Alger. Pourtant, il me semblait bien que ces dames mépris avaient été sérieusement sermonnées et sommées de ne plus faire de déclarations. Des médias avaient même précisé que les membres du clan Kadhafi avaient été privés de téléphone pour éviter la récidive. Depuis, la famille semblait avoir respecté cette obligation de silence, mais à beau mentir qui vient de loin : il y a deux semaines, Aïcha a remis ça en parlant de ses projets d’avenir. Elle a affirmé qu’elle pensait quitter l’Algérie avant la fin de l’année de 2012, sans préciser si c’est en accord avec les autorités d’accueil ou s’il s’agissait de son choix personnel. Quelqu’un aurait dû lui faire remarquer que la durée de son séjour et la date de son départ ne dépendaient pas d’elle, mais ce rappel utile n’a pas été signifié, apparemment. Ce qui a pu être interprété comme un encouragement et a conduit à ce nouveau dérapage de la matrone de la tribu despotique. En tout état de cause, si le cas de la mère du clan Kadhafi et des autres rejetons ne présente aucun mystère, celui de la préférée de son père, Aïcha, demeure entier. A moins que l’info ne m’ait échappé, nous ne connaissons toujours pas l’identité du père de la petite Safia, ce qui alourdit encore ce climat d’incertitude. En attendant, notre diplomatie, toujours en retard d’une révolution, a salué à sa manière la fin du despote libyen. Dans le communiqué publié à cette occasion, on perçoit une joie retenue entre les lignes. On sent combien les dirigeants qui ont envoyé Bouguettaya pour proclamer le soutien du peuple algérien à Kadhafi regrettent leur manque de perspicacité à ce moment-là. Comme d’habitude, chaque mot a été pesé, calibré et étalonné par les orfèvres de la langue de bois. On ne se prive pas de rappeler aux Libyens, au cas où ils l’auraient oublié, qu’une «ère nouvelle» s’ouvre pour eux, après la disparition de Kadhafi. Un vrai coup de génie ! Les Libyens auraient pu dire «Toz à votre ère nouvelle », mais ils ont beaucoup appris avec nous et contre nous. Impressionnés, sans doute, par notre facilité à dire sans rien dire, ils se sont empressés de faire disparaître la banderole qui demandait pardon à l’Algérie pour la mort de Kadhafi. Quant au FLN, grand inspirateur de notre politique étrangère, il observe un profil bas, si bas que le mouvement de redressement initié par certains de ses militants peine à lui faire relever la tête.
A. H.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2011/10/24/article.php?sid=124841&cid=8
24 octobre 2011
Contributions