Depuis quelques jours, un homme parcourt l’Algérie, au nom de l’Algérie. Il s’appelle Seghir Babès, secrétaire général du CNES. Conseil National économique et social. Selon lui, il est chargé par Bouteflika d’écouter les Algériens.
Il fait cependant le contraire : il parle à leur place et parle beaucoup. Ces derniers jours, il a fait mieux : il a vu l’avenir. Pas celui de bonnes études prospectives projetées sur des décennies, mais celui d’à peine quelques jours : « Le printemps arabe est passé et c’est déjà l’automne ». Belle trouvaille et audacieuse analyse de feuilles mortes. Un berger d’Aflou pouvait le dire, mais c’est Babès qui a le micro. Passons donc sur cet étrange périple lancé par un Président qui a compris qu’il ne vit pas le même pays que son peuple et que ceux qui l’entourent vont le manger, refusent ses réformes et attendent de le voir disparaître lui et son unique discours.
Passons, car l’essentiel est une autre question : pendant que Babès projette sur l’avenir du bout du nez, posons-nous la bonne question : que sera le pouvoir en Algérie en 2100 ? Selon l’évidence pessimiste, il sera comme aujourd’hui.
Comment est le pouvoir aujourd’hui ? Un peu plus complexe qu’en 90. A l’époque, on avait, selon la rumeur, un peuple gris, avec un cabinet noir et un Président incolore assis entre les deux. Aujourd’hui ? Selon les initiés, ça se complique : la Présidence est forte mais à moitié. Les services sont forts mais aux trois-quarts. Le reste sont forts mais pas tous ensemble. Le schéma est celui d’officiers janissaires, d’un Dey à moitié mou et de cercles flous. D’abord, celui des conservateurs, genre Belkhadem, qui, dans le bocal gigantesque de la prétention, croient vraiment représenter les 1.000 villages algériens et devenir Présidents, tous à la fois, en s’appuyant dessus. Puis il y a les réformateurs pas Hamourouchiens. Ceux-là veulent que le système change pour sauver le système. Une question biographique et pas nationale. Le but est de sauver le système, pas nous. Dans cette équation, il faut ajouter les indices : les fils, les frères, les neveux. C’est la famille de la famille qui est en train de rejoindre la scène depuis quelque temps. Depuis le sort réservé au fils de Chadli, il y avait une sorte de prudence chez le régime : ses hommes forts donnent à leurs marmailles l’argent mais leur disent de ne jamais approcher du politique. Cette règle se brise depuis peu. Il y a des Seif El islam dans les airs.
En 2100 donc ? On ne sait pas, pour parler sincèrement. Trop loin, même sans Babès. On a aussi peur. Le chroniqueur a peur de se retrouver, en forme de cendres, confronté au même schéma : un maquis des « Services », un Ferhat Abbas qu’on va sacrifier après usage, un congrès de Soummam et de redresseurs chaque dix ans, un Abane tué dans le dos et un Boumediene pour réparer, par le pire, les bêtises d’un Benbella chaque sept ans. Des Babès ? Oui, en analystes des feuilles mortes et des automnes de patriarches.
17 octobre 2011
Contributions