Le Carrefour D’algérie
Point de vue
Par Farida T.
Pourquoi s’immoler alors quand on est Français?
Un professeur de mathématiques s’est immolé par le feu jeudi dernier dans la cour d’un lycée à BEZIERS en France. C’est la stupéfaction et l’incompréhension. Le malheureux fait divers a fait la Une de tous les médias. C’est normal, pourrait-on dire, cette forme de suicide est tout à fait nouvelle en France. Les Français sont affolés, ils sont horrifiés par cet acte qu’ils ne s’expliquent pas.
Ils organisent des tables rondes, ils débattent, ils s’interrogent, ils constituent une cellule de crise pour soutenir psychologiquement les élèves et les collègues de la victime, témoins traumatisés de cette scène. Jusque là, les Français qui par définition adorent philosopher et tout analyser après coup, croyaient que les immolations étaient uniquement une conséquence de révolte, de protestation d’un régime dictatorial, d’une volonté de marquer l’imagination de l’autre d’une manière spectaculaire, c’est à dire le suicide sacrificiel par excellence. Et donc, ils n’arrivent pas à s’expliquer l’acte de cette jeune femme «dépressive» certes mais apolitique qui aurait pu se suicider autrement, comme tous les autres français qui se suicident gentiment. Toutes les théories psychanalytiques et les palabres pseudo scientifiques vont fondre au contact de cette «torche humaine» qui vient d’importer en plein été indien des cendres du printemps arabe. La stupéfaction avec laquelle est traitée cette information dénote d’un déni des réalités, d’un déni du malaise social grandissant avec la crise économique européenne. Jusque là, pour choquer l’opinion, pour prendre à témoin les foules, pour protester violemment, les meilleurs des rhéteurs Français se contentaient de répéter un célèbre «J’accuse» et l’alchimie opérait. Mais la nature humaine et sa psychologie sont tout, sauf une science exacte. Et, surtout, l’immolation n’a jamais été une marque de fabrique des Arabes opprimés, descendants des BOUAZIZI. Les Vietnamiens ont précédé les Tunisiens dans leur révolte et leurs immolations, résultat : Benali fut renversé et les Vietnamiens héritèrent d’une guerre atroce dont les Américains ne se remettront d’ailleurs jamais, psychologiquement parlant. La malheureuse victime avait un message à faire passer à travers sa peau, son corps qui était encore le seul bien qui lui restait, qui lui appartenait et qui demeurait en contact avec une société sans doute qu’elle ne supportait plus: «le feu plutôt que vivre l’enfer». Vu par un Algérien de vingt ans qui ne connaît que le terrorisme, les carnages, les attentas à la bombe, la «harga» et la «hogra», ce suicide paraît anodin car, ce n’est finalement qu’une immolation de plus, un mort de plus, un fait divers qu’on glisse entre deux filets dans la page douze du quotidien régional à mille exemplaires. Néanmoins, les jeunes Algériens restent abasourdis par cet acte incongru qu’ils n’arrivent pas à s’expliquer non plus, mais pour des raisons différentes: elle devait vraiment être «folle» pour s’immoler alors qu’elle avait les papiers français, un emploi et une maison en France.
16 octobre 2011
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