Culture Samedi, 15 Octobre 2011 10:00
Le monde évolue très vite. Il y a peut-être ceux qui le subissent qui ne s’en rendent pas compte. Mais s’il y a bien un secteur qui, tout en reflétant objectivement les prodigieux progrès enregistrés par l’humanité et s’impose à tous, c’est bien celui de l’audiovisuel où la télévision occupe une place de choix.
À telle enseigne que cet appareil idéologique a littéralement bouleversé nos modes de vie, de pensée et d’action. À l’heure de la mondialisation, imposée par les pays développés pour mieux contenir les aspirations des peuples des pays pauvres à l’émancipation plurielle, le village traditionnel, fondé sur la proximité géographique et la spécificité tant civilisationnelle que culturelle, devient chaque jour davantage une vue de l’esprit alors que même l’idée de “Village global” chère à Macluhan laisse place, désormais, à une multitude de Villages fondés sur la proximité médiatique. La télévision a pris en un temps record une place telle dans notre quotidienneté que c’est l’ensemble de nos modes de vie, de pensée et d’action qui sont entrés dans un cycle d’évolution profonde où le commun des mortels vit un rapport intense et complexe fait de dépendance et de passion. Les événements qui ont traversé la société algérienne depuis ces dernières décennies constituent, à l’évidence, une manifestation tangible de cette nouvelle situation qui met l’Algérie dans une position inconfortable. Les efforts qui y sont déployés sont, en effet, quotidiennement battus en brèche par de puissants moyens de communication dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils pèsent de tout leur poids dans la déstabilisation plurielle d’un peuple aspirant pourtant à la paix. Mais que sa propre télévision défend très mal, parfois, pour de nombreuses raisons d’ailleurs où, celles politiques, ne sont pas des moindres. Il ne serait pas exagéré de souligner ici que la notion de “service public” et la mission de préservation de l’unité nationale par le petit-écran s’en trouvent sensiblement perverties. Je ne fais nullement allusion au spectre de l’audience. Pour une raison évidente, je ne sais pas compter. Encore que vous êtes mieux placés que moi pour me signifier que les chiffres sont comme les maillots de bain : ils cachent l’essentiel mais donnent une idée. En fait, les statistiques, si elles permettent d’établir des courbes, ne donnent aucune idée de la multiplicité des publics, ni de la variété des relations possibles à l’objet télévisuel. Les observations fragmentaires que je viens de livrer ne clarifient rien, je l’avoue. Elles ont cependant le mérite de permettre une seule conclusion qui rejoint les propositions avancées par des sources autorisées à propos des autres segments de la culture et de l’audiovisuel : aucune pratique culturelle ne peut être évaluée isolément. Sa signification n’apparaît que si on la replace dans la totalité des manifestations au moyen desquelles un groupe se singularise et se fait reconnaître. La représentation figée par l’image d’un peuple qui est prêt à tout pour entrer dans la modernité en est une manifestation alors que les moyens dérisoires mobilisés, à cet effet, permettent aux chaînes étrangères de gagner grandement en crédibilité. Si l’État se trouvait dans l’impossibilité de respecter pleinement le cahier de charges que doit honorer toute télévision nationale, une ouverture du paysage médiatique national à de nouvelles structures télévisuelles ne serait-elle pas de nature à permettre à ce puissant moyen de communication de défendre grandement, et avec efficacité, l’image de marque de l’Algérie, dangereusement ternie par des commis de l’idéologie dominante dont l’ ascension s’est effectuée sur des bases régionalistes et clientélistes ? Il est vrai que le problème est complexe, et l’enjeu multiple. Mais répondre à un tel questionnement est de nature à faire éclater le verrouillage télévisuel actuel dominé par le seul enjeu politique et la fascination qu’exerce la télévision sur le pouvoir qui lui en prête plus qu’il ne lui donne, et qu’elle n’en mérite.
A. M.
zianide2@gmail.com
15 octobre 2011
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