Edition du Jeudi 29 Septembre 2011
Culture
Écrivain, poète, dramaturge, il était présent au 16e Sila pour animer une conférence. Dans cet entretien, il revient sur la scène littéraire algérienne, son prochain livre qu’il est en train d’écrire, son regard sur le Printemps arabe et la littérature…
Liberté : Vous participez au 16e Sila à une conférence autour de “la production romanesque et la critique littéraire”. Vous qui êtes auteur, quel est le lien entre ces deux entités ?
Mohamed Kacimi : Nous avons parlé essentiellement de la scène française, mais c’est vrai que la question est un peu prématurée par rapport à la réalité algérienne. En fait, pour parler de création littéraire et de critique, il faut qu’il y ait une vraie édition, il faut qu’il y ait également un vrai public, un vrai lectorat. En fait, on constate qu’il existe, d’une part, une édition qui est à l’état embryonnaire, avec son dynamisme, mais qui ne fait que commencer, et d’autre part, ce qui a été souligné par mon camarade et ami Ameziane Ferhani, c’est l’absence endémique de pages culturelles dans la presse algérienne, où nous avons aujourd’hui, sur 80 quotidiens, deux ou trois qui consacrent des pages culturelles, mais on ne parle pas de pages littéraires. C’est-à-dire que la presse en Algérie, en dépit de sa diversité et de son nombre, ne s’intéresse, pas suffisamment à la littérature aujourd’hui.
Puisque vous abordez ce sujet, à votre avis, à quoi cela est-il dû ?
Cela est dû à plusieurs éléments. Sans nostalgie, il est vrai que nous avons évoqué le temps où Algérie Actualité et El-Moudjahid consacraient des pages entières et des dossiers entiers à la littérature, mais cela était dû à l’absence de liberté concernant le débat politique, et que les intellectuels ou les auteurs étaient obligés de se rabattre sur le volet culturel, et l’absence que nous avions de parole dans le domaine politique, nous l’investissions dans le champ littéraire. Aujourd’hui, c’est vrai qu’il y a un champ ou un espace d’expression plus ouvert, ce qui fait que la concentration des élites, des auteurs, des journalistes est moindre concernant la littérature. Il est vrai également que la plupart du temps pour le nombre considérable d’auteurs algériens publiés en France, par paresse, on se contente de retraiter ou de rediffuser ce qui a été dit dans la presse française.
Actuellement, vous êtes délégué général d’Écritures du monde, une association qui organise des résidences d’écritures internationales. Parlez-nous de cette aventure .
L’association Écritures du monde organise des chantiers d’écriture et des formations pour de jeunes auteurs à travers le monde. Cette année, nous avons organisé un grand festival à Rabat au Maroc, pour la formation de jeunes auteurs. J’en ai encadré un à Ramallah pour la formation de jeunes auteurs palestiniens à l’écriture du théâtre, et nous avons le projet d’en organiser également un à Alger et Oran l’année prochaine.
Vous êtes en train d’écrire un livre sur l’Algérie des années 1970. Pourquoi spécialement cette décennie ?
Il y a quelque chose d’extraordinaire dans la mémoire des peuples, c’est la production de la nostalgie. Et chez tous ces peuples, il y a en quelque sorte le retour d’un paradis perdu qu’on s’invente. Par ailleurs, ayant fait mes études à l’université dans les années 1970/1980 en Algérie, et quand j’entends parler du retour des autres générations, présentant cela comme un âge d’or, j’aimerais revenir aujourd’hui, pour dire ce qui était la réalité de ces années-là. C’est un travail de mémoire.
L’Algérie est présente dans votre écriture. Une manière de ne pas couper les liens ?
Je pense qu’un auteur est essentiellement le fruit de son enfance. Je suis l’enfant de ce pays que j’ai quitté assez tard d’ailleurs, et j’estime que dans une large part, au-delà de mes pérégrinations à travers le monde, l’Algérie reste omniprésente dans ma littérature et dans mes œuvres.
Le Printemps arabe va-t-il influer sur l’écriture romanesque des auteurs du monde arabe ? Si oui, comment ?
Je ne crois pas parce que la littérature, c’est donner du temps au temps. On écrit en pressant les choses. Je ne crois pas en une littérature qui se confonde avec le journalisme. Le journalisme c’est une chose, et on en a souffert d’ailleurs dans les années noires en Algérie où il y avait une littérature qui pouvait être là – une littérature de témoignage – mais à force de courir après l’actualité, on finissait par perdre de vue l’écriture et la littérature. Concernant le Printemps arabe, je crois qu’il faudra attendre. On dit souvent que les révolutions ne marchent pas avec la littérature. Prenez l’exemple de la Commune ou l’histoire de la Révolution française, ce sont des éléments qui n’ont eu aucune incidence sur la littérature. En fait, la littérature a besoin d’un temps, comme dirait Nietzsche, de ruminer les choses afin de pouvoir les traduire.
29 septembre 2011
LITTERATURE