L’ordre des délinquants et la violence sur les femmes Par : Mustapha Hammouche

Edition du Dimanche 04 Septembre 2011

Chronique

Le Ramadhan s’est achevé sans qu’aucun “casseur de jeûne” n’aurait-il été surpris à étancher sa soif derrière un baraquement de chantier ou isolé avec son casse-croûte dans un fourré.

Cette année, l’État a délaissé cette fonction inquisitoire, occupé qu’il était à prévenir les risques d’une rentrée bruyante à coups de brouillons de réformes, de prévisions budgétaires, de cartables pour les élèves rentrants. Il a donc délégué à la vigilance sauvage le soin de veiller au respect des exigences de bonne conduite bien comprise en ce temps d’inquisition. Celle-ci s’est notamment exercée à l’encontre des femmes, cibles de prédilection pour les sentinelles agressives haineuses des “bonnes mœurs”.
En la matière, l’ordre semble être définitivement cédé à la sous-traitante de la faune délinquante qui encadre l’espace public “citadin”. Tenant les coins de rue ou arpentant les avenues, ils ont pour pieuse mission de traquer les femmes aux tenues et incompatibles avec les apparences que commandent le puritanisme supposé de notre société. Leur rôle, devenu social puisqu’il contribue à la formation du paysage culturel national est de bombarder ces déviantes d’insultes, de grossièretés, de menaces, et de les agresser si le verbe, l’injure et la vulgarité ne suffisent pas à pousser la victime hors de l’espace public.
Aucun responsable ne peut faire semblant d’ignorer que telle est l’ambiance civique dans laquelle évolue toute femme qui ose l’aventure de se mouvoir, sans “protection rapprochée”, en ville en Algérie. Cette réalité nationale a été spectaculairement illustrée par le cauchemar de cette adolescente tombée dans l’embuscade de ces vigiles en meute qui, en cette soirée du 27 Ramadhan, sévissait en un de ces lieux de la capitale courus pour le shopping et la flânerie nocturnes. Parce qu’elle avait commis l’outrecuidance, insupportable pour ces apprentis inquisiteurs, de porter un short, la fille a frôlé le lynchage public.
Poursuivis, puis cernés par une horde d’adolescents chauffés à blanc par l’école de la haine et leur libido réprimée, la jeune fille et son compagnon ne durent leur salut qu’à l’intervention de la police. Le “salut” n’a pas, cependant, été jusqu’à faire valoir leur droit à se déplacer dans la tenue qui leur sied, en dépit de la loi de ces petits moralistes autoproclamés. Elle a juste permis de les “extraire” à la foule rugissante d’envie de violence contre l’adolescente, de l’enfermer dans un fourgon, puis dans un commissariat, pour enfin lui proposer… un pantalon, comme si c’était elle qui constituait une menace à l’ordre public !
En cédant l’École, puis les médias publics, aux forces de régression, le pouvoir en attendait qu’elles l’aident à mater les tenants des libertés individuelles et à régir l’ordre social par l’intégrisme. Ainsi, l’Algérie ne sera plus qu’une multitude uniforme et pavlovienne obéissant au doigt et à l’œil au code du machisme inculte. Après l’École, la mosquée et la télévision, elles ont occupé la voie publique pour en faire… un marché de non-droit et un terrain d’exercice de leur législation.
Selon un projet de nouvelle, dans l’étage du sérail, les femmes occuperont 30% des sièges électifs, mais dans la société, la masse de femmes reste livrée au diktat de cette armée des vigiles “bénévoles”.

M. H.
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