Notre seuil de tolérance à la frustration est très bas. Les individus fonctionnent sur le principe de plaisir. Pour pallier le vide, la frustration ou la déception, on consomme. L’Autre devient un produit. La frustration nait d’une insatisfaction qui, dans le couple, peut avoir différentes causes : désir émoussé, communication enrayée, sexualité en décalage des partenaires, etc. L’infidélité vient souvent butter contre ce manque que l’autre ne parvient pas à combler. Que se passe-il dans nos cervelles ? Amine (Alger) Réponse :
C’est une idée largement répandue, en même temps qu’une erreur, de penser que l’autre a la capacité de nous donner ce qui nous manque. Quand notre partenaire habituel échoue à répondre à tous nos besoins, nous nous mettons en quête d’un autre pourvoyeur. Le refus de la frustration érigé en art de vivre, c’est aussi ce que pointe l’infidélité aujourd’hui. Parvient-elle pour autant à éluder la souffrance ? Rien n’est moins sûr. «Je ne supporterais pas de faire souffrir mon partenaire» : cette phrase, qui revient dans la bouche de la plupart des infidèles, témoigne de la difficulté de vivre l’infidélité dans une totale légèreté. Gérer sa culpabilité et éviter de faire souffrir l’autre, c’est le double défi qui se présente à tout candidat à l’infidélité. Car, à moins de maitriser totalement son affectivité, sans état d’âme particulière, l’infidélité peut difficilement aller sans souffrance. Une souffrance placée la plupart du temps sous le signe de la culpabilité, qu’elle soit nourrie par la peur de faire du mal à l’autre ou celle de fragiliser son couple. Régir cette culpabilité exige de pouvoir clairement faire l’état des lieux de sa relation première et de savoir ce que l’on cherche dans cet «ailleurs». Pour que l’infidélité ne soit pas une fuite en avant éternellement recommencée. Si les codes comportementaux et les discours sur l’infidélité ont changé, les motifs qui y conduisent demeurent et s’établissent toujours fonction du parcours psychoaffectif de chacun. Le discours commun sur l’infidélité met en avant le désir de se revaloriser dans un regard neuf, de se procurer des sensations fortes ou encore un épicurisme revendiqué. Mais l’inconscient a des raisons que la raison, justement, ignore. Dans la recherche d’un amant, la femme peut être dans la quête non identifiée du partenaire idéal, figure paternelle fantasmée et à jamais inaccessible. L’homme infidèle, lui, peut être dans l’impossibilité de dépasser le clivage «mère ou … ». L’infidélité n’a alors qu’une fonction : séparer l’amour de l’érotisme. Ainsi, tout ce que l’on met en jeu dans l’infidélité pose inévitablement des questions sur soi et a des répercussions dans la relation à son partenaire. Ne serait-ce que parce qu’en allant se nourrir ailleurs de ce qui fait défaut dans son couple, on prive ce dernier des soins qui pourraient le fortifier. Pourtant, être infidèle à l’autre peut être un passage obligé pour rester fidèle à soi-même. Une liberté que l’on s’octroie afin de ne pas trahir celui ou celle que l’on est, un individu aux désirs multiples et parfois contradictoires. Serait-on condamné sans le savoir à une certaine fidélité ? La fidélité à soi-même, tout en conciliant ses besoins et son idéal, c’est peut-être la nouvelle forme de liberté qui s’offre à chacun aujourd’hui. Celle de pouvoir écrire une histoire individuelle : son histoire. Mme N. Amel
18 septembre 2011
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