Beaucoup d’entre nous ont un surmoi – une conscience morale – si sévère, qu’ils sont pris par un irrépressible besoin d’avouer. S’ils avouent, ce n’est pas par infantilisme ou par sadisme vis-à-vis de l’autre, mais parce qu’ils sont torturés intérieurement. Ils n’ignorent pas qu’ils risquent de provoquer des dégâts, de générer des scènes et des larmes, mais c’est plus fort qu’eux !
Le véritable problème qui se pose à eux – et à la plupart d’entre nous – est de gérer la culpabilité et, finalement, de concilier besoin de parler et relation satisfaisante avec le partenaire officiel. Le silence est-il d’ailleurs envisageable à tous les coups ? Et le mensonge, est-il idéal pour maintenir la paix du couple ? Il est clair que l’aventure extraconjugale passe rarement inaperçue, surtout si elle dure ou se répète. Elle risque alors de susciter le soupçon du partenaire, voire d’engendrer des réactions paranoïaques et hostiles : «Je sais que tu me caches quelque chose. Tu m’as toujours considéré(e) comme moins que rien. Pourquoi restes-tu avec moi si tu aimes quelqu’un d’autre ? » Lorsque la crise éclate, il devient évident que celui qui en est à l’origine ne peut plus se défiler. Il lui faut prendre ses responsabilités. Pour ne pas se sentir écrasé par la culpabilité, il faut avoir en tête que désirer une personne tierce n’est pas en soi «tromper» le partenaire, le léser, être malhonnête avec lui. La véritable tromperie – la vraie faute éthique – commence quand on choisit d’éluder ses questions angoissées ou de lui mentir dans un contexte où il serait plus conséquent de parler. Que dire, et comment ? On évitera les détails inutiles : « Je lui ai fait ceci, il (elle) m’a fait cela, j’ai ressenti l’extase… » Le plus souvent, même si le partenaire s’affirme prêt à tout entendre, il n’a nul besoin de connaitre la vérité sans fard : il en souffrirait et ne pourrait que s’interroger sur son propre pouvoir érotique, se comparer douloureusement à l’autre. Sauf pacte spécifique établi entre les partenaires, l’expérience montre que l’exigence de tout savoir est souvent dictée par des pulsions masochistes autopunitives : «Mon partenaire regarde ailleurs, car j’ai failli à le satisfaire, donc je suis nul(le), je vais me flageller. » Dans tous les cas, il s’agit de faire preuve de respect et de tact, de bannir les révélations trop intimes. Il faut expliquer pourquoi la liaison est, ou a été, nécessaire à un moment de l’histoire du couple. Cette attitude «adulte» suppose d’être clair avec ses désirs et d’avoir su établir une relation émotionnelle riche avec le partenaire. A ces conditions, l’aveu peut même relancer un désir assoupi. Pour cela, les confidences doivent être adaptées de manière à faire écho aux fantasmes sexuels et aux attentes amoureuses du conjoint. Ces aménagements pourront, par exemple, permettre à telle femme de vivre par procuration ses pulsions homosexuelles enfouies, grâce à la relation de son conjoint avec une autre ; ou à tel homme d’imaginer que son épouse infidèle est «sa chose», qu’il prête généreusement à d’autres. Côté femmes, on constate que beaucoup supportent relativement bien l’infidélité du partenaire tant qu’elles restent persuadées d’être «la préférée», celle qui occupe la place centrale, l’autre n’étant qu’un objet interchangeable. En fait, avant de poser de façon péremptoire : «Non, il ne faut pas avouer » ou « Oui, il le faut», il est important de se souvenir que chaque couple est unique, puisqu’il unit deux êtres particuliers avec leurs fantasmes, leur rapport à l’amour et à la rivalité sexuelle. Aussi est-il impossible de fixer des règles de comportement universelles. Il appartient à chacun de décider de sa conduite en fonction de ce qu’il est et de la complicité qu’il a établie avec son alter ego. Mme N. Amel
18 septembre 2011
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