«Les évènements sont plus grands que ne le savent les hommes» F. Guizot
Durant tout l’été, dans la presse privée et dans les déclarations des formations politiques, on a beaucoup discouru sur les réformes envisagées par le chef de l’Etat. Pour les uns, les annonces ne sont faites que pour gagner du temps et surtout pour éloigner le
scénario vécu par des pays à nos frontières. Pour les autres, c’est formidable et les réformes vont être de vraies révolutions, etc. etc. Au-delà des critiques acerbes, des réserves et des soutiens inconditionnels, tout ce monde devra attendre et certains, trop pressés, devront remiser des ambitions présidentielles qui se dévoileront après les résultats des prochaines législatives. Ces dernières, selon l’espoir de M. Bouteflika, devront être organisées, «dans une transparence totale». Et c’est justement, à partir de ce scrutin que les réformes seront réussies ou réduites par les appareils, les archaïsmes et les courants conservateurs à du replâtrage transitoire.
Comment et avec qui organiser des législatives transparentes, lorsque l’administration est la maîtresse des résultats, selon des fluctuations artificielles, à l’intérieur d’une majorité qui contrôle, selon des équilibres et des quotas plaqués, le législatif, l’exécutif et les médias publics ? L’avenir de n’importe quelle réforme va donc se jouer dans les réponses apportées. Cependant lorsque le premier magistrat annoncera dans les formes requises, au moment choisi par lui, le contenu et le calendrier (après les législatives) de la révision constitutionnelle et le parachèvement de tous les chantiers précisés dans le communiqué du Conseil des ministres de 2 mai dernier, il est fort probable que le logiciel politique made in Algéria produira les effets attendus. L’opposition ne trouvera pas de mots assez durs pour stigmatiser tout ce qui viendra de M. Bouteflika. Ce dernier et ses décisions seront portés au statut de merveilles de l’humanité par la majorité. Dans les deux cas, cela éloignera l’idée même du consensus, du compromis, d’un front national à l’heure où la région traverse des moments porteurs de tous les dangers.
En fait, on travaille avec ténacité au discrédit de la politique, pour l’abstention et à la fragilisation du pays qui ne tourne que grâce aux hydrocarbures qui ne sont ni durables ni immunisés contre la crise et les fluctuations d’un marché géré très loin des pays producteurs. L’été qui s’achève aura connu, outre les sempiternelles envolées des prix ramadhanesques et les éternels satisfecit gouvernementaux interchangeables d’année en année, quelques frémissements à l’intérieur des partis.Revue des troupes, positionnement vers les présidentielles pour certains, récurrents coups d’Etat avortés au FLN, revendication qui a peu de chance d’être entendue du PT pour aller à une constituante qui est constitutive du programme du FFS et auditions présidentielles ont «fait» l’été et le ramadhan.
Le parti de M. Aït Ahmed a tenu son université d’été, loin de la Kabylie et fait entendre des experts politiques et des universitaires sur les problématiques déterminantes pour le pays.
Louiza Hanoune n’a ménagé ni l’exécutif ni le parlement en mettant les pieds dans des plats à la limite de la péremption. De son côté, M. Miloud Chorfi pour le RND, a apporté des éclairages peu commentés, fort utiles pour la société et l’avenir. La formation de M. Ouyahia refuse de voir les démembrements de l’ex FIS et ceux qui «ont les mains entachés du sang des Algériens» revenir sous une forme légale dans l’action politique. La clarté de la position tranchée a le mérite de se distinguer des postures de nombre de partis et d’acteurs politiques qui ressemblent à l’âne de Buridan et perdent du temps à louvoyer. La réconciliation nationale est une chose, certes imparfaite, mais la compromission peut être un remake fatal. Retour au Conseil supérieur de l’audiovisuel ! Le consensus semble être fait autour de cet organe, indispensable (s’il est autonome de l’exécutif) qui avait «bénéficié» d’un profond silence consensuel lorsqu’il a été dissous comme d’autres conseils pourtant évidents. Le RND est pour, alors que pour la presse il coupe la poire en deux. Il est pour l’abrogation des peines privatives de libertés pour les journalistes mais exempte les propriétaires de journaux de sanctions financières réservées aux salariés. Ce qui ne contribue pas au découplage des puissances financières liées à des politiques quant aux manquements à la vérité, à l’éthique, etc. Néo libéral, le RND, uniquement pour la presse ?
Farouchement pour la défense des acquis sociaux des salaires, pour des entreprises publiques même déficitaires ou moribondes, face à la concurrence internationale, il y a Louiza Hanoune. Une des très rares femmes arabes en politique qui a le don de mettre le doigt là où la majorité regarde ailleurs et quand des partis d’opposition excommunient, à tour de bras. L’arrestation du maire de Zeralda, des législatives propres et transparentes, le lobby du sucre et celui des légumes, la grève à Air Algérie, «des nouvelles institutions élues démocratiquement», «l’éradication des pratiques du système du parti unique qui a gangrené les institutions de l’Etat», le Bois des Pins à Hydra, rien n’échappe au regard aiguisé de la dame. A l’évidence, Louiza Hanoune taille des croupières à la majorité. Elle démontre qu’un parti qui soutient les réformes de M. Bouteflika doit se mêler de tout ce qui le regarde, c’est-à-dire la vie du pays, chaque jour. C’est l’essence même de l’action politique qui ne peut se réduire à une motion de soutien, reconduite deux fois par semaine. Ce qui est anesthésiant dès lors que les discours «cataclysmiques» ne sont d’aucune pertinence et que les législatives approchent à grandes enjambées.
Au plan international, essentiellement au Maghreb, la vedette revient au «dingue du palace». L’empereur déchu en Libye met les projecteurs sur la diplomatie algérienne qui n’en finit pas de faire couler encre et salive». Les insurgés» à Tripoli véritables supplétifs de l’OTAN, clouent au pilori M. Bouteflika, l’Algérie officielle, et la «jouent» révolutionnaires purs et durs. Après avoir servi le «fou de Tripoli» durant près d’un demi-siècle, les animateurs du CNT se refont une virginité politique sur le dos de l’Algérie où, selon eux, le peuple leur serait acquis, en lançant des accusations sans fondements. L’Afrique du Sud, géant du continent hésite et l’UA prend le temps de la réflexion. Dans les relations internationales, le réalisme, l’esquive, le gain de temps et des œufs dans plusieurs paniers sont des fondements refusés à l’Algérie. Bien entendu, l’idéal pour ne pas «mouiller» la diplomatie est que les partis de la majorité auraient dû occuper le terrain, prendre des positions, faire écran devant la présidence, prendre contact avec les acteurs libyens mais cela reviendrait à faire de la politique !
Imaginer une table ronde algérienne entre le pouvoir et l’opposition sur tous les enjeux actuels dans le monde arabe dépasse de très loin les possibilités créatrices de la classe politique qui n’arrive même pas à pondre un texte doctrinal commun, pour dénoncer le terrorisme et refuser, à tout jamais, sa matrice idéologique qui a le vent en poupe. La responsabilité des partis devant le proche avenir est immense, vu leur incapacité à élaborer un compromis basique, un front patriotique alors que des avions bombardent à nos frontières. Il s’agit bel et bien d’un introuvable compromis.
Le projet de loi sur l’information a fait un flop alors qu’il suffisait d’un débat franc et tourné vers l’ouverture démocratique, en intégrant toutes les expériences et les législations qui font la fierté des grands pays démocratiques pour concrétiser les souhaits de M. Bouteflika. Etait-ce là un signal pour étouffer dans l’œuf les réponses annoncées par des procédés «policiers et inquisiteurs» ?
La liberté de la presse, l’ouverture de l’audiovisuel et surtout la fin de la rente publicitaire seront des indicateurs fiables pour rapprocher le pays des standards démocratiques universels.
16 septembre 2011
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