«Ces princes devraient rougir de la lâcheté avec laquelle ils vendent la vie des hommes qu’ils devraient protéger comme pères des peuples ( ). Frédéric II
Si l’été et la période du ramadhan, synonymes de sieste nationale et de période la moins productive et durant lesquelles les poubelles témoignent de l’overdose de produits alimentaires, n’ont pas connu une très forte activité partisane, les réformes annoncées creusent leur sillon. Partagé entre, d’un côté, les tenants d’un scepticisme militant et, de l’autre, les chantres du psaume courtisan et peu sincère, la classe politique est restée fidèle à elle-même. Les clivages politiques et/ou idéologiques, souvent illisibles, extrémistes et par ailleurs incohérents, apportent peu d’éclairages à la société. Entre le «tout contre» d’une partie de l’opposition et le «tout pour» d’une série d’appareils dont personne ne connaît l’ancrage réel et encore moins la contribution aux vrais niveaux de la décision, les regards nationaux et étrangers se tournent vers El-Mouradia, où le président de la République est le maître de l’agenda.
Lors du Conseil des ministres du 2 mai 2011, M. Bouteflika avait chargé le gouvernement de préparer des projets de lois en droite ligne des réformes politiques. Ces lois portent sur le régime électoral, les partis, la place des femmes dans les assemblées élues, les incompatibilités avec le mandat parlementaire, le mouvement associatif et enfin sur l’information. Si ce dernier chantier n’a pas été la réussite espérée, les autres dossiers peuvent inciter à un peu d’optimisme, à condition que l’administration, les appareils de la majorité et les courants rétrogrades jouent le jeu et ne s’amusent pas à tout «détricoter» pour maintenir un statu quo qui peut s’avérer explosif.
Parallèlement, M. Bouteflika saisit le Conseil national économique et social (C.N.E.S.), institution non partisane et ouverte aux compétences nationales, pour animer «une concertation pour définir les objectifs d’un meilleur développement local et les adapter aux attentes de la population». Le CNES animera cette concertation avec «le plein concours du gouvernement et des collectivités locales, et avec la participation, notamment, de compétences représentatives de la population, des élus locaux et des représentants de l’administration locale».
Ces propos du chef de l’Etat lors du Conseil des ministres du 2 mai dernier ne sont pas restés lettre morte. Le caractère inédit de la saisine du CNES par le premier responsable du pays et l’importance du projet ont peut-être étonné certains milieux, mais les dés sont jetés et l’instance saisie est tenue d’aller au bout de la «commande» présidentielle. Celle-ci est remise sur le tapis lors du Conseil des ministres du 28 août dernier. Ce jour-là, M. Bouteflika a précisé ses intentions quant aux réformes initiées et au formalisme républicain qui doit les accompagner.
Le non-paiement des représentants des candidats aux prochaines législatives dans la commission de surveillance du scrutin, sous l’autorité de magistrats, éclaire mieux la « nouvelles morale électorale». L’usage d’urnes transparentes et d’une encre indélébile apportera sûrement des garanties que l’administration ne devra pas fouler aux pieds. La volonté manifeste de «faire progresser davantage le système politique démocratique et pluraliste que les Algériens ont institué voilà deux décennies ( .)» est renforcée par la possibilité «à tout observateur national ou étranger de témoigner de l’importance du dispositif de supervision et de surveillance des scrutins avec la participation active des candidats aux élections».
La place de la femme, désormais obligatoire pour les partis exclusivement «moustachus», les futures lois sur la publicité (qui «gangstérise» par sa manipulation la majorité des quotidiens), les sondages, l’autorité de régulation des médias sont des chantiers dont l’importance stratégique n’est pas saisie par l’ensemble des acteurs politiques, dont certains sont scellés dans des postures stériles. Le 2 mai dernier, M. Bouteflika avait émis «l’espoir que les prochaines élections législatives, qui seront organisées dans une transparence totale, déboucheront sur la représentation au Parlement de tous les grands partis politiques de notre pays».
A l’évidence, il manque au Parlement un grand parti qui est le FFS. Comment et à partir de quelles garanties la formation de M. Aït Ahmed, qui représente une opposition crédible et sérieuse, pourra faire entendre sa musique à l’intérieur du législatif ? La réponse intéresse assurément de larges secteurs de la société.
En gardant un cap cohérent, balisé par une série de chantiers, de projets de lois dont ceux sur l’information, la régulation des médias, la publicité et les sondages défricheront le chemin complexe d’une véritable démocratie selon des standards universels qui s’imposent nolens volens à tout le monde arabe. Le pluralisme médiatique, la liberté d’expression, celle de la presse et des médias lourds (quel que soit leur statut) sont à l’évidence des indicateurs majeurs. Et M. Bouteflika sait parfaitement que l’avenir des réformes, commencées il y a deux décennies et malmenées pour des intérêts évidents, avec les impulsions nouvelles, dépend largement de ces indicateurs. Le développement à la base, la démocratie qui met en mouvement le maximum de citoyens, le rôle déterminant des assemblées locales s’inscrivent dans la vie de la cellule de base qu’est la commune.
Revenant sur sa saisine lors du Conseil des ministres du 2 mai 2011, le président de la République a insisté, le 28 août dernier, sur la mission confiée au CNES. Il a «également invité le gouvernement et les administrations locales à ne ménager aucun concours au Conseil national économique et social, qui a été mandaté pour animer un large débat avec les représentants de la population et les élus locaux, de sorte à aboutir, avant la fin de l’année, à des assises nationales sur la gouvernance du développement local». «Les conclusions et les recommandations de ces assises seront intégrées dans le programme national de réformes et le gouvernement sera alors comptable de leur mise en œuvre». Cet engagement énoncé par M. Bouteflika impose, jusqu’à la fin de l’année, une responsabilité de taille au CNES qui a toute latitude pour mener à bien la concertation en question.
En ordre de bataille pour un chantier sensible marqué par de grandes agitations sociales internes et un environnement régional des plus perturbés à notre porte, porteur de réels dangers qui n’ont pas l’air d’inquiéter outre mesure les partis nationaux (à part le PT), le CNES a entamé ses premières actions sur le terrain à Tindouf et Illizi. Le chantier, qui sera clos à la fin de cette année, et les recommandations finalisées qui seront intégrées au cœur des réformes ont sûrement une importance évidente qu’il s’agit de suivre et d’analyser en toute objectivité, sans candeur ni fixation obsessionnelle sur une évolution catastrophique, certes rêvée, mais dont les Algériens, y compris en manifestant des colères justes, ne veulent pas, vaccinés qu’ils sont par un passé récent.
16 septembre 2011
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