Edition du Jeudi 15 Septembre 2011
Chronique
“Il est hors de question, mais alors hors de question, de permettre aux gens qui ont mis le pays à feu et à sang de revenir sous quelque forme que ce soit sur la scène politique.” Le propos du président de la République, tel que restitué par une source à un confrère du Soir d’Algérie, est on ne peut plus explicite.
Pour autant que les “indiscrétions” du dernier Conseil des ministres rapportées par nos confrères ont été fidèles aux faits, l’on est bien obligé d’enregistrer la position historique défendue par Bouteflika, s’agissant de l’avenir politique des dirigeants du FIS.
Mais si, du point de vue du Président, la question du retour des dirigeants du FIS sur la scène politique est tranchée, il ne semble pas préoccupé par la dérive intégriste qui submerge l’État et la société. C’est même un argument qu’il brandit contre l’option de l’exclusion des militants du FIS de la vie politique : “De toutes les manières, d’anciens militants du FIS, vous en avez déjà tous ! On y trouve au FLN, au RND, au MSP et même chez Louisa Hanoune !”
Le constat est sans conséquence : la différence est faite entre dirigeants du FIS, militants du FIS et islamistes en général. Ce que le FIS n’a pas pu imposer, le populisme bigot du régime est en train de le réaliser : une “pakistanisation” galopante de l’Algérie.
Ces morceaux choisis des commentaires présidentiels, un jour de Conseil des ministres décisif, sont révélateurs d’un paradoxe : le Président sait. Il n’y a qu’à écouter ce qu’il dit de la télévision. Sous réserve de fiabilité de la source, voici ce qu’il pense de l’Unique : “Nous n’avons pas de télévision ! Notre télévision n’est même pas classée. Sur ce terrain, nous sommes complètement désarmés, dépassés ! Nous sommes agressés de partout et nous n’avons rien pour nous défendre !”
Mais, n’est-ce pas le régime qui a fait de la Télévision ce qu’elle est ? On se rappelle cette formule populaire qu’il reprit, d’après d’autres indiscrétions, devant un autre Conseil des ministres passé : “Certains disent que le Président habite dans la télévision.”
En cultivant une télévision collée aux basques du chef de l’État, le pouvoir ne faisait pas œuvre de pédagogie d’une télévision de qualité.
Le Président sait aussi au sujet de la presse écrite : “Même notre presse écrite est médiocre !” Mais son cas est moins grave : elle est passée d’une presse de “tayabat el-hammam” à une presse médiocre.
La médiocrité, au demeurant, commence à l’école : très peu d’ingénieurs peuvent rédiger leur première demande d’emploi, pourquoi les journalistes fraîchement émoulus sauraient-ils écrire un article correct ? On peut ajouter à l’effet de la régression scolaire, celui du financement indirect de l’alignement politique qui empêche la presse écrite de profiter des avantages d’une saine émulation.
Il n’échappe certainement pas à la perspicacité du Président que c’est le monopole, d’une part, et la rémunération de l’allégeance, d’autre part, qui font la médiocrité.
Il est heureux d’entendre le Président ordonner enfin de “remédier à tout cela”. Mais est-ce possible ? Il faut commencer par le commencement : un régime qui peut se passer de monopole et de flagornerie clientéliste, un régime démocratique. Et une école qui instruit, pas une école qui fanatise.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr
15 septembre 2011
Contributions