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Education et croissance économique par Farouk Nemouchi *

11 septembre 2011

Contributions

              Les théories sur la croissance économique endogène développées à partir de 1986 ont démontré, à l’aide de travaux empiriques, que la croissance économique d’un pays est déterminée par quatre facteurs de production : le capital physique (les équipements), le travail c’est-à-dire la main d’œuvre disponible, l’intervention de l’Etat et le capital humain.



L’Etat stimule l’économie grâce aux externalités positives générées par la dépense publique. Mais la pierre angulaire de la théorie de la croissance économique endogène demeure le capital humain qui désigne l’ensemble des connaissances, des qualifications, des compétences et des conditions de vie des individus. Un travailleur est performant, lorsqu’en plus de ses qualifications, il est en bonne santé et possède une bonne nutrition. En mettant en avant le concept de capital humain, la théorie de la croissance économique endogène souligne avec force l’importance grandissante de l’économie du savoir et son impact sur la production des biens et services d’un pays. L’accroissement des connaissances stimule l’innovation technologique et en fait le moteur de la compétitivité des entreprises.

Il ne suffit plus d’acquérir des machines et de disposer d’une main d’œuvre abondante pour mettre une économie sur le sentier de la croissance. L’expérience des pays avancés au cours des dernières décennies montre qu’il existe une liaison étroite entre système éducatif, innovation technologique et développement. Cette idée, partagée aujourd’hui par l’ensemble des économistes, justifie la nécessité de faire des investissements conséquents dans le secteur de l’éducation. C’est à l’aide du capital humain qu’un pays peut espérer atteindre la frontière technologique. Cette frontière représente le stade auquel sont parvenus les pays dans le domaine du développement des secteurs de haute technologie et les industries du futur ; la biotechnologie, la nanotechnologie, l’industrie des nouveaux matériaux, les industries aérospatiales, l’industrie pharmaceutique et les technologies de la communication.

Pour les pays ayant atteint la frontière technologique, à l’instar des USA, la croissance économique est déterminée par l’innovation technologique et par conséquent la compétitivité des entreprises dépend de plus en plus de leur capacité à promouvoir la recherche développement en partenariat avec les institutions de formation. Une attention particulière est accordée à la formation supérieure et les pouvoirs publics s’y engagent en encourageant la création de pôles de compétitivité économique qui se manifestent notamment par une collaboration donnant lieu à un essaimage d’entreprises autour des grandes universités. Les pays éloignés de la frontière technologique disposent d’un potentiel de croissance plus important et leur objectif principal est la mise en œuvre de politiques de rattrapage par la maîtrise et l’imitation des technologies existantes. Les stratégies déployées en matière de formation mettent l’accent sur l’enseignement primaire et secondaire.

Quelle appréciation peut-on faire sur l’Algérie dans le domaine de l’éducation, l’innovation et la compétitivité économique ? Existe-t-il une politique qui valorise le capital humain ?

Les indices statistiques calculés par les organisations internationales (forum économique mondial, organisation des nations unies pour le développement industriel, banque mondiale etc.) aboutissent à un même constat : l’Algérie au regard de son classement est confrontée à un énorme retard en matière d’impact du système éducatif sur le développement technologique et la croissance économique.

La publication de ces indices est souvent la source de polémiques et controverses. Il ne s’agit pas de s’offusquer ou d’encenser ces organisations selon que la position occupée par l’Algérie soit mauvaise ou fait l’objet de compliments. Ils ont le mérite d’offrir un cadre méthodologie utile pour la conception et le suivi des politiques sectorielles. Il faut ajouter également que l’information produite et diffusée par ces institutions internationales influence le comportement des investisseurs étrangers.

Le forum économique mondial publie un indice global de compétitivité économique calculé sur la base de 113 indicateurs structurés en 12 piliers et chaque pilier comprend un ensemble de sous-indices. Selon le rapport 2010 – 2011 l’Algérie occupe la 86eme place sur 138 pays. Un examen détaille des composantes de cet indice révèle deux tendances divergentes.

En matière de taux de scolarisation et le nombre d’ingénieurs et de scientifiques l’Algérie occupe respectivement la 58eme et la 43eme place. En revanche pour les indicateurs d’ordre qualitatifs, les résultats sont : qualité de l’enseignement primaire : 96eme place, qualité de la formation supérieure : 117eme place, partenariat industrie-université en recherche développement : 119eme place, capacité d’innovation : 125eme place, internet à l’école 125eme place. Ces résultats indiquent que l’Algérie occupe un rang plus qu’honorable en termes de massification de l’enseignement alors que pour les critères relatifs à la qualité du système éducatif et son incidence sur l’innovation technologique et la compétitivité économique elle accuse un énorme retard. Ces résultats contrastés pourraient suggérer l’idée selon laquelle il existe une antinomie entre démocratisation et qualité de l’enseignement. Cette manière de poser le problème occulte les causes profondes de l’inefficience du système de formation et de son incapacité à constituer un capital humain qui stimule la croissance économique. Le mauvais classement de l’Algérie dans le domaine de l’enseignement et de la maturation technologique met en évidence la faiblesse structurelle de la compétitivité des entreprises et montre que non seulement la distance qui sépare l’économie algérienne de la frontière technologique est considérable mais qu’elle reste éloignée du niveau requis pour amorcer une politique de rattrapage et d’assimilation des technologies existantes.

Au plan macroéconomique cette situation a pour cause principale une stagnation économique d’origine structurelle qui se dévoile à travers l’évolution défavorable de son produit intérieur brut réel. Entre 1999 et 2010 le taux de croissance moyen du produit intérieur brut réel est de 3,64% et sur la période 2006-2010 il est de l’ordre de 2,74%. On enregistre paradoxalement une chute du PIB réel au cours des cinq dernières années et cela au moment ou l’Etat a mobilisé des moyens financiers considérables. Cette faible activité économique laisse planer des doutes sur la fiabilité des statistiques relatives à la baisse du chômage car jusqu’à preuve du contraire, toutes les théories économiques sont unanimes à reconnaître l’existence d’un lien de causalité entre augmentation du PIB et emploi.

Sur le plan sectoriel l’Algérie connaît un déclin industriel qui a de graves conséquences sur le système éducatif. L’organisation des nations unies pour le développement industrie (ONUDI) calcule un indice de compétitivité industrielle et selon une étude datant de 2005 l’Algérie occupe la 120eme place sur 122 pays juste avant le Gabon et l’Ethiopie. La valeur ajoutée manufacturière par habitant est tombée de 179 dollars en 1990 à 136 dollars en 2010.

Cette piètre performance est corroborée par les enquêtes de l’office national des statistiques (ONS) puisque la part de la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière représente 5% du produit intérieur brut en 2010 alors qu’elle était de 11% en 1995.

Le démantèlement du secteur industriel a engendré de graves conséquences pour l’économie et réduit les capacités du système éducatif à participer efficacement à la constitution d’un capital humain au service de la croissance économique.

1. le rétrécissement de la base industrielle est une source d’aggravation du chômage des universitaires. L’industrie marginalisée n’est plus en mesure d’absorber les dizaines de milliers d’ingénieurs et techniciens qui sont formés par les universités et instituts. Ils sont alors confrontés à un douloureux dilemme : s’expatrier dans l’espoir d’exercer le métier pour lequel ils ont consenti de nombreuses années de formation ou alors opérer une conversion dans des activités aux antipodes de leurs compétences dans le seul but d’assurer leur survie. Lorsque ce capital humain est dévié de sa trajectoire initiale utilisé, il dépérit, devient obsolète et perd son potentiel de productivité.

2. La stagnation économique, la désindustrialisation et surtout l’absence d’une vision de développement sur le moyen et le long terme complique la tache du système éducatif et des institutions de recherche scientifique pour faire les choix stratégiques qui lient étroitement éducation et croissance économique. Les établissements scolaires, instituts de formation professionnelle et universités n’ont pas la visibilité nécessaire pour identifier et ouvrir les filières qui répondent aux besoins des entreprises. Former des spécialistes en génie pharmaceutique, en biotechnologie, en microélectronique, en ingénierie financière et autres filières en rapport avec les industries de pointe c’est les encourager à partir vers les pays qui ont atteint le stade de la frontière technologique. L’éloignement de l’économie nationale de cette frontière signifie qu’il faut initier en priorité des stratégies éducatives qui se mettent au service d’une politique d’assimilation et d’imitation des technologies existantes. Cela signifie qu’une attention particulière doit être portée à l’enseignement primaire, secondaire et professionnel.

3. La désindustrialisation freine l’émergence de pôles de compétitivité économique à cause de la difficulté à construire d’une part un partenariat fructueux entre les entreprises et les universités d’autre part et à établir une liaison entre recherche fondamentale et recherche appliquée d’autre part. Les chercheurs vivent une profonde frustration due au fait qu’ils ne reçoivent pas les signaux de la part des acteurs économiques pour les guider dans le choix de problématiques de recherche qui mènent à des études ayant une incidence sur le développement des entreprises en terme d’innovation et de productivité. La valorisation de la fonction recherche développement est dénuée de sens dans le contexte de la stagnation économique. Et ce ne sont pas les politiques de restructuration et de mise à niveau à répétition des entreprises qui vont ouvrir des perspectives à un rapprochement entre l’industrie et la formation. Il faut rappeler que le but final de la mise à niveau des entreprises est l’amélioration de la compétitivité. Or pour qu’une entreprise soit compétitive, il faut qu’elle soit présente sur un marché fortement concurrentiel avec une certaine part qu’il convient de consolider et d’augmenter. Au niveau des marchés extérieurs nous constatons l’intervention d’une seule entreprise nationale en l’occurrence SONATRACH qui produit et exporte un seul bien relevant de l’industrie extractive à savoir les hydrocarbures et qui procure 98% des recettes d’exportations. Quant au marché domestique la demande intérieure (biens de consommation plus biens d’investissement) est satisfaite par un recours massif aux importations. Et dire que c‘est dans le cadre d’une structure économique largement dominée par la rente énergétique et l’absence des entreprises algériennes sur les différents marchés que les pouvoirs public se sont lancés dans une politique de libéralisation commerciale et de démantèlement tarifaire qui n’a produit aucun résultat sur la diversification des exportations et de réduction des importations. Cette politique a neutralisé les forces économiques attachées à l’essor d’une industrie forte et au développement d’une accumulation productive au profit d’une accumulation rentière et de l’économie de prédation.

Dans une économie rentière le capital humain n’est pas considéré comme un facteur de production et par conséquent comme une source de la création de richesses. Les élites sont condamnées soit à s’expatrier soit à demeurer en friche. L’idée d’entrepreneuriat animée par des compétences algériennes relève de l’utopie en raison des obstacles rencontrées par les porteurs de projets à forte valeurs ajoutée et innovants. D’après la banque mondiale l’Algérie est classée 150eme sur 188 pays dans le domaine de la création d’entreprises.

La situation peu flatteuse de l’Algérie en matière de compétitivité économique la rétrograde dans le groupe des pays les moins avancés et cela malgré son aisance financière. L’économie rentière a fait de l’Algérie un pays temporairement riche financièrement mais pauvre économiquement. En marginalisant le capital humain ce type d’économie a anéanti la créativité, détruit le talent et cela dans tous les domaines y compris dans celui des arts, de la culture et du sport. La valorisation du capital humain passe par le triomphe de l’économie du savoir et cette exigence implique qu’il ne suffit pas de compter le nombre d’élèves et d’étudiants inscrits et le nombre de diplômés. Il faut réformer et organiser qualitativement le système éducatif à travers ses différents paliers pour qu’il devienne le moteur de l’innovation technologique et de la croissance économique. Pour cela il faut impérativement aller vers une stratégie de développement avec comme vecteur principal une stratégie industrielle qui est toujours mise en veilleuse. C’est la meilleure manière de préparer l’après-pétrole est de valoriser la ressource humaine

* Universitaire

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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