La disparition du Café Richmond, fréquenté par des grands noms de la littérature comme Saint-Exupéry, Jorge Luis Borges, Julio Cortazar ou Graham Greene, menacé d’être transformé en magasin de vêtements de sport, fait scandale en Argentine.
«C’est là que Borges corrigeait ses textes», a déclaré jeudi à l’AFP la veuve de l’écrivain, Maria Kodama, appelant les autorités à prendre des mesures pour que ce café «continue à fonctionner». «C’est mon souhait», a-telle dit. Maria Kodama a souligné qu’«un lieu qui fait partie de l’histoire littéraire du pays ne devrait pas disparaître». «C’est douloureux», a-t-elle dit. Dans le centre de Buenos Aires, à travers la baie vitrée peinte en blanc pour cacher la salle entièrement vide, on aperçoit seulement sept ou huit des célèbres fauteuils anglais tapissés en cuir : plus d’une centaine d’entre eux ont été retirés en pleine nuit, tout comme les tables Thonet d’époque. «Les gens sont sonnés : ils s’arrêtent, regardent à l’intérieur et restent de longues minutes sur place», observe un policier posté à l’entrée sur ordre d’un magistrat. La fermeture surprise, à l’aube du dimanche 14 août, du café de la rue Florida, mis en scène dans Marelle (1963) par Julio Cortazar et dans Le Consul Honoraire (1973) par Graham Greene, ne cesse de faire de vagues. Le fabricant Nike Argentina a assuré être «étranger à cette décision», sans démentir son intention d’installer un magasin à la place du café. «Les magasins Nike sont gérés par le biais d’intermédiaires», a précisé cette filiale du groupe américain. On ignore qui est le propriétaire des locaux, car il a choisi pour l’instant de ne pas se présenter devant le juge. Pour Teresa de Anchorena, membre de la Commission des monuments, le ministre de la Culture de la ville de Buenos Aires, Hernan Lombardi, avait l’obligation d’intervenir pour protéger le café. «Il ne l’a pas fait», déplore-t-elle. Le responsable de l’ONG «Basta de demoler» (Assez de démolitions), Santiago Pusso, envisage de déposer une plainte contre M. Lombardi «pour avoir manqué à ses devoirs de fonctionnaire ». Classé et datant de 1917, le Richmond est un lieu de mémoire pour la France et sa légendaire Aéropostale. Antoine de Saint-Exupéry et Jean Mermoz avaient l’habitude de refaire le monde dans la salle du rez-de-chaussée et de jouer au billard au sous-sol. L’auteur de Vol de nuit habitait à deux pas de là, dans «un petit appartement meublé charmant» de la galerie Güemes, sur la même rue Florida, comme il écrit à sa mère le 20 novembre 1929, peu de temps après son arrivée. `Le Richmond c’est aussi un patrimoine cher à la Belgique, puisque les décors, dont les boiseries, sont un chef-d’œuvre de l’architecte belge Jules Dormal, qui a dirigé aussi les travaux du théâtre Colon, le grand opéra argentin. Est-il encore temps de le sauver ? «On ne peut contraindre un propriétaire à préserver une affaire précise », a écrit M. Lombardi à propos du Richmond, alors que les défenseurs du patrimoine rappellent justement qu’une loi préserve l’activité des cafés classés. «Les propriétaires ont déjà retiré les meubles», a dit à l’AFP un porte-parole du ministre. «Nous essayons de négocier avec eux», a-t-il ajouté, sans autre précision. Un magistrat, Fernando Juan Lima, saisi par une députée du parlement de Buenos Aires, Maria José Lubertino, a ordonné le retour de l’ensemble du mobilier, ainsi qu’une surveillance policière permanente devant le Café. «Ce qui est en jeu, c’est l’intérêt général», a souligné une source judiciaire proche du dossier.
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http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2011/09/04/article.php?sid=122332&cid=16
7 septembre 2011
LITTERATURE