Edition du Mardi 06 Septembre 2011
L’Algérie profonde
Je faisais la chaîne, il y a quelques jours, devant une station d’essence pour faire le plein. Juste en face, de l’autre côté de la pompe, un jeune homme, les vitres grandes ouvertes, écoutait dans sa voiture un morceau de raï,
l’air complètement absent. C’est vrai qu’il faisait ce jour-là au moins 30 degrés à l’ombre. J’ai écouté malgré moi cette musique des bas-fonds lâchée à fond la caisse. Et que disait-elle selon vous ? Je vous transmets mot à mot son incroyable ineptie. Nous avons récolté 800 000 de notre ami Djilali, que Dieu lui donne la santé, 300 000 de notre ami Hamou, ça fait 1 100 000 sur le plateau, orchestre s’il vous plaît orchestre… L’ensemble reprend aussitôt dans une débauche de flûte et de derbouka. Le chanteur, ravi par une pareille obole, ânonne quelques lieux communs puis s’arrête au beau milieu de sa prestation. Nous avons un paquet de Malborough offert par notre frère Laradj discothèque youyous s’il vous plaît, je veux les entendre plein les amplis…
Le chanteur qui ne doit pas faire une grande différence entre une clef de sol et une dalle de sol, mais qui est un exceptionnel bonimenteur, chauffe la salle à blanc, pousse les enchères et flatte chaque donateur du mot qui lui donne l’impression d’être le roi des hommes, le roi de la soirée. Je me suis rendu compte finalement que ces meddah de foire n’étaient que des courtisans, qui n’avaient ni genre ni dignité. Vous voyez-vous, Johnny Halliday, le roi du rock, interrompre sa chanson pour crier au micro : “Merci pour le paquet de Malborough qui nous a été offert par les spectateurs du premier rang, youyous les claudettes, youyous”…
6 septembre 2011
M. MOHAMMEDI