On ne peut quand même se demander ce qui fait verser une petite larme aux hommes. Car oui, les hommes pleurent aussi, n’hésitant pas à se montrer fragiles et émotifs. Les chutes lacrymales ne sont plus réservées au sexe faible, la preuve avec nos témoignages d’hommes, qui eux aussi, versent une larme de joie ou de peine…
Une femme qui pleure, c’est assez courant, pour ne pas dire banal. Un homme qui pleure, on dit souvent que c’est attendrissant, voire émouvant. C’est en tout cas un phénomène suffisamment rare pour être souligné, débattu et analysé ! Un homme qui verse une larme, que ce soit en cachette ou en public, cela arrive de plus en plus souvent. Contrairement aux générations précédentes, où l’homme se devait de garder son sang froid en toutes circonstances et surtout donner l’impression de contrôler ses émotions, l’homme moderne n’a plus peur de se laisser aller, et si ce n’est de le montrer, d’au moins le dire. Mystère pour les femmes qui se trouvent souvent désarmées face aux larmes coulant sur la joue d’un homme, censé être « le plus fort » et le pilier du couple, mais qui s’émerveillent aussi de constater qu’ils n’ont pas tous un coeur de pierre, et qu’ils peuvent pleurer, parfois pour les mêmes bêtises qu’elles. Rencontres avec des hommes à la larme facile, commentées ensuite par des femmes à la parole fatale, On dit que pour un homme, pleurer peut être vécu comme un sentiment d’impuissance. C’est en gros s’avouer vaincu et ne plus être dans l’action. L’expression « pleurer en désespoir de cause » symbolise ce sentiment à la perfection. Un homme qui pleure, c’est souvent un homme vaincu. Cliché ou vérité ? On pourrait dire que cela dépend des hommes, même si nos témoins nous ont plus ou moins prouvé le contraire. Pleurer n’est pas forcément un signe de faiblesse, et surtout ce n’est pas toujours une traduction du désespoir. Contre-exemple de cette idée reçue, par Ahmed, 31 ans : « La seule chose qui me donne les larmes aux yeux (mais je n’en pleure pas vraiment, je ne pleure jamais, et ça depuis des années) c’est la Petite Maison dans la Prairie. Trop de « bons sentiments » pour moi. Je ne suis pas spécialement ce qu’on pourrait appeler un « dur », donc le fait que je ne pleure pas vient sûrement de loin. Et pourtant à chaque fois que je suis seul et que je regarde la Petite Maison dans la Prairie, ça ne rate pas je suis ému aux larmes… Je sais c’est un peu ridicule ». Des larmes aux yeux qui permettraient sans doute d’évacuer d’autres souffrances pour lesquelles Ahmed a du mal à se lâcher. Pleurer pour des situations irréelles et fictives que l’on voit à la télévision ou au cinéma, cache effectivement une réelle souffrance que l’on ne veut pas exprimer et affronter de plein fouet. On se cache derrière des situations qui font appel à ce qui nous rend triste, sans forcément pouvoir mettre des mots dessus et savoir d’où vient notre peine ». Et les hommes qui pleurent devant des films ne sont effectivement pas rares. Comme en témoigne Ismaël, 27 ans : « Depuis que je suis tout petit, les films me font pleurer. Je ne pleure jamais pour des morts réelles ou des événements malheureux réels (hormis tout ce qui touche des proches bien entendu) mais j’ai toujours pleuré devant les films. Aujourd’hui, ça n’a pas changé et je ne veux même pas revoir Croc Blanc (que je n’ai d’ailleurs jamais vu jusqu’à la fin) parce que je pense que ça n’a pas changé. Les derniers films devant lesquels j’ai pleuré c’était «Indigènes» et plus « honteux », «A la Recherche du Bonheur», avec Will Smith. Parce qu’à la fin il trouve un travail et vraiment il l’a mérité. Il y a pas longtemps je suis même tombé sur la fin d’un film, je ne connaissais rien à l’histoire et j’ai commencé à avoir les larmes aux yeux. Bref… » Pour d’autres, les pleurs sont liés à des situations bien réelles. On peut distinguer deux sortes de sources à ces crises de larmes. Les larmes liées à des évènements totalement personnels, et les autres qui touchent un ensemble de la population. Karim, 34 ans, raconte : « Il peut m’arriver de verser ma larme quand je vois les catastrophes qui se trament sur notre planète, quand tout le monde a l’air de se moquer que les grands singes, les ours polaires, les éléphants et des dizaines d’autres espèces sont en train de disparaître tous les jours parce que chacun ne pense qu’à soi et oublie de penser global… ». Il en va de même pour Yazid, 32 ans : « En vieillissant, je deviens de plus en plus perméable aux grandes injustices et à la détresse humaine. Devant des images de génocide, d’atrocités, de racisme, d’intolérance, devant certaines évocations de l’esclavage, j’ai facilement envie de pleurer. Et ça ne me le faisait pas avant… ». Pleurer pour les autres, pour ceux qu’on ne connaît pas ou pour les catastrophes humaines, ramène souvent à un sentiment de mal-être de privilégié, Pleurer devant le journal télé, pour des catastrophes naturelles etc. renvoie à ce que l’on est réellement. Souvent ce sont des gens privilégiés, qui en ont parfaitement conscience, mais qui sont face à la réalité d’un monde adulte et de leur rêve d’enfant de sauver le monde qui disparaît. S’avouer que l’on ne peut pas faire grand-chose pour certaines situations, qu’on ne maîtrise pas tout, c’est un sentiment d’échec très personnel, alors que la réalité de ce qui fait pleurer touche généralement beaucoup de monde ». Après tout, pleurer pour soi pourrait sembler la réaction la plus « logique ». Pleurer pour ce qui nous touche vraiment, les choses ou les gens que l’on perd, les situations qui nous dépassent, les choses qui nous font mal, semble en plus d’être logique, plutôt bénéfique. Larmes réconfortantes et réparatrices, ce sont aussi celles qui apparaissent comme les plus égoïstes ! Pleurer sur soi, est à la fois nécessaire et réparateur. Par les larmes, on se vide complètement des émotions néfastes qui empêchent d’avancer ou de surmonter la situation. Mais surtout, c’est avouer que l’on a mal et justifier sa peine vis-à-vis de soi et parfois des autres. Pleurer lors d’une rupture par exemple, sert également de moyen pour faire son deuil. C’est par la faute de l’autre que l’on est dans cet état, c’est l’autre qui nous fait pleurer, cela prouve que je ne suis pas responsable de cette situation. Hakim 37 ans, raconte : « C’est un sentiment d’impuissance, duquel découle un découragement intense, qui me fait pleurer. Une rupture amoureuse naturellement. Disons que le sentiment du « ne sera jamais plus » ou « ne sera jamais possible », l’impuissance, la fragilité de l’Homme face à la fatalité, en général me fait pleurer ». Il en va de même pour Amine, 34 ans : « Le mal que les autres me font, volontairement ou non, me fait pleurer. Le sentiment d’être à plaindre, que les choses me tombent dessus alors que je ne les mérite pas forcément. Donc, les ruptures sentimentales, les coups bas des amis ou les licenciements… Tout ce qui fait que finalement, on se rend compte qu’on n’est qu’un homme, faible, et que l’on peut se prendre des coups ». Et puis il y a ceux qui peuvent verser une larme pour tout et n’importe quoi, qui ne pleureront pas forcément au moment ou l’on s’y attend, et inversement. Arezki, 30 ans, est un de ces hommes, qui ne sait pas toujours pourquoi il pleur : « Pour être honnête, je ne pleure que très peu… De manière générale, je peux avoir les larmes aux yeux pour tout et n’importe quoi ! En effet, la fatigue, des problèmes de digestion, de tension, peuvent influencer nos glandes lacrymales et nous faire pleurer sans forcément de raison ou du moins pas toujours pour les mêmes choses. « Pleurer, évacuer des larmes, est essentiel pour l’homme d’un point de vue thérapeutique bien sûr, mais aussi médical. On évacue beaucoup de bactéries également en laissant couler ses larmes. Et d’un point de vue psychologique, pleurer lorsqu’on est fatigué par exemple, apaise fortement et aide même à s’endormir et se relaxer ». Et enfin, il y a ceux qui pleurent de joie ou de rire… Sensibilité, émotivité, les larmes de joie sont plus rares, semble-t-il, mais peut-être encore plus bouleversantes. Rachid 32 ans, évoque ses dernières larmes : « Je pleure beaucoup plus souvent de joie que de peine. Et c’est en fait l’émotion des autres qui me fait pleurer ! Les bonnes nouvelles pour mes proches, voir les gens pleurer aussi me fait pleurer ! Quand l’émotion est trop forte, je peux partir très facilement ! ». Pour Farid, 36 ans, les larmes sont surtout associées aux éclats de rire : « Les moments où je pleure le plus, c’est quand je ris, en fait, et parfois, c’est très gênant, parce que j’ai carrément des grosses larmes qui s’accumulent au coin des yeux (et qui peuvent aller jusqu’à couler), et tu as l’air un peu idiot quand après une franche rigolade, tu passes une minute à t’éponger discrètement le coin des yeux… ». De leur côté les femmes sont beaucoup plus sujettes aux crises de larmes, et surtout aux démonstrations de leurs émotions. Nous leur avons donc demandé ce qu’elles pensent d’un homme qui pleure, et surtout si elles s’imaginent pour quelles raisons ils peuvent se laisser aller à pleurer. Pour Camélia, 31 ans, c’est radical : « Je ne supporte pas l’idée d’un homme qui pleure. L’homme ne peut pas pleurer. Il est là pour soutenir mes éventuels moments de faiblesse en étant fort, réconfortant et rassurant à la fois alors si lui aussi il a des moments de faiblesse, c’est la panique et du coup, je n’ai plus droit d’avoir des moments de faiblesse donc, je dois être dure. Ce qui fait pleurer les hommes ? Je dirais : les femmes, la naissance d’un enfant, les premiers « papa », les premiers pas… ». Pour Djamila 30 ans, c’est touchant : « Voir un homme pleurer, c’est plus touchant qu’une femme peut-être. Je me sens désemparée de ne pas pouvoir dire ou faire grand-chose. J’avoue trouver ça assez rassurant parce qu’humain. J’ai toujours envie de prendre la personne dans mes bras, et de lui dire : ça va aller. Mais certains hommes préfèrent pleurer seuls, il ne faut pas les réconforter. Je viens d’une famille où les sentiments étaient montrés. J’ai vu mon père pleurer et j’avoue avoir pleuré aussi en le voyant. Ce qui fait pleurer les hommes ? Peut-être la douleur physique, une déception à un match de foot ou une victoire au contraire ! Une déception amoureuse, familiale… enfin, les mêmes choses que nous pour tout ce qui a trait aux sentiments ». Kahina, 35 ans, soupire : « Malheureusement, ça ne me plaît pas. J’ai besoin qu’un homme soit viril, et voir un homme pleurer peut m’attendrir, mais certainement pas me conforter dans l’idée que cet homme est fort et qu’il va assurer. C’est peut-être rétro comme pensée, mais je n’ai jamais vu mon père pleurer par exemple, et c’était un homme fort pour moi. Ce qui fait pleurer les hommes ? J’imagine les choses réellement très graves, sinon, je trouve ça encore plus décevant, donc, un décès, la perte d’un proche… ». Naila, 32 ans, termine : « Voir un homme pleurer, c’est comme voir un enfant ou une femme pleurer. C’est assister à la fragilité d’un être, qui a apparemment été touché par quelque chose, je trouve ça normal, sain et touchant ! Parce qu’on ne peut pas rester insensible devant quelqu’un qui pleure. Qui que ce soit. C’est un moment intime qu’un homme partage avec vous, je prends ça aussi comme un signe de confiance. Ce qui fait pleurer les hommes ? ça peut être tout et n’importe quoi. Je pense que ça dépend aussi vraiment des conditions, de l’environnement… Tout ce qui a trait à la famille je pense, principalement ». Si les hommes ont enfin laissé leur panoplie de héros invincible aux vestiaires pour se montrer sous un jour plus « humain » et laisser cours finalement à un sentiment très « normal », on remarque que les femmes, elles, n’ont peut-être pas encore toutes inclus que l’homme avait autant de sensibilité et de fragilité, et qu’il était temps qu’ils se lâchent ! Mme N. Amel
28 août 2011
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