Le professeur Kaouel Meguenni (*) à InfoSoir
«La transmission par voie alimentaire est quasi impossible»
InfoSoir : Le gouvernement algérien multiplie les déclarations rassurantes, mais l’inquiétude gagne du terrain. Quels sont les véritables dangers de ce virus ?
Le Pr Meguenni : Chez l’homme, les grandes pandémies de grippe meurtrière ont été rencontrées avec les virus H1N1 en 1918 (grippe espagnole), H2N2 en 1957 (grippe asiatique) et H3N2 en 1968 (grippe de Hongkong). Comme il existe trois à quatre pandémies par siècle, les épidémiologistes prédisent, depuis plus de vingt ans, qu’une nouvelle pandémie de grippe humaine est possible soit par le H5N1 soit par un autre sous-type. Dès le début de l’apparition à grande échelle de ce virus, l’OMS a envisagé la possibilité que ce virus animal se trouve en contact avec un virus de grippe humaine dans un organisme commun échangeant du matériel génétique. Le risque théorique consiste, en effet, à ce que le virus animal, qui est particulièrement agressif pour l’homme lorsqu’il arrive à l’infecter, transmette ses capacités pathogènes au virus humain qui, lui-même, dispose de la capacité d’infecter les autres hommes. On aurait ainsi un nouveau virus très pathogène pour l’homme, tout en étant capable d’être très contagieux. Or ce virus ne s’est adapté ni à l’espèce humaine (il n’y a pas eu de contamination interhumaine avérée) ni à l’espèce porcine.
Peut-on manger du poulet et des ?ufs sans risque ?
Il faut savoir que le virus de la grippe est complètement détruit par l’acide gastrique lorsque des produits infectés sont consommés. Le risque de transmission par voie alimentaire est donc quasi nul. La transmission documentée jusqu’à aujourd’hui sur des cas par des poulets ou des canards achetés vivants sur un marché s?est faite par aérosol sur la base de poussières venant des plumes de ces animaux au moment du plumage (la transmission entre volailles se fait surtout par les fesses). Donc pour éviter cela, il suffit d’ébouillanter l’animal mort avant de le plumer. En revanche, toute détection de cas de grippe aviaire animale dans un élevage doit entraîner un abattage, un confinement, une restriction des transports et un bouclage de la zone d’infection. En l’état, le risque de transmission de l’animal à l’homme étant avéré, il justifie des mesures de protection du personnel (gants, masques, pédiluves) dans les élevages.
Une meilleure couverture vaccinale de la grippe saisonnière pourrait-elle limiter les possibilités d’humanisation du virus ?
Il faut savoir que la grippe peut être dangereuse chez les personnes «faibles», autrement dit les nourrissons, qui n’ont pas encore développé suffisamment de défenses, et les personnes âgées. En effet, le virus de la grippe détériore significativement leur fonction respiratoire. Dans tous les cas, une vaccination contre la grippe «banale» est fortement recommandée.
F. D.
(*) Chef de service épidémiologie au CHU de Tlemcen et doyen de la faculté de médecine de l’Université de Tlemcen.
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28 août 2011
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