Le Carrefour D’algérie
Dimanche 28 Août 2011
Soug ennsa
Par Farida T.
Des gâteaux faits maison
C’est un constat malheureusement indéniable et indéniablement malheureux aussi, mais tout à fait vrai: les traditions se perdent et le cérémonial des préparatifs de l’Aïd n’est plus ce qu’il était. Autrefois chargées d’émotions, de souvenirs, de symboliques, ces traditions qui jalonnaient notre vie rythmant ainsi les saisons et les cycles ont petit à petit disparu au profit d’une nouvelle acception, une nouvelle vision de la vie née des impératifs de la société moderne : la société de consommation
qui, il faut le reconnaître, a soulagé les femmes de beaucoup de tâches. Une société de consommation où tout s’achète et se vend. Les femmes n’ont même plus besoin d’apprendre à faire la cuisine puisque la nouvelle société cuisine pour elles. Les femmes n’ont même plus besoin de préparer les gâteaux de l’Aïd, la nouvelle version de la société moderne a tout prévu : des dizaines de variétés de gâteaux sont exposées dans les pâtisseries à tous les prix. Malgré cela, certaines femmes font de la résistance et continuent d’en préparer à la maison, comme avant, juste pour le plaisir de se retrouver à plusieurs autour d’un plan de travail, ou à même le sol, de discuter, de pétrir et de rire, de créer des formes, des odeurs et des couleurs, de ne penser à rien d’autre qu’à cet instant, de le savourer, de s’extasier devant chaque plateau réussi, et qu’importe si au bout il y a les courbatures et les grosses fatigues, car la satisfaction du travail personnel et la joie qui se lit dans les yeux de tous les gourmands qui les entourent, suffit à transformer ce marathon des derniers jours de Ramadhan en une fête attendue chaque année. Paradoxal peut-être, mais il faut être femme pour le comprendre. Car, au-delà de la prouesse pâtissière elle-même, préparer soi-même ces gâteaux constituent un repère sécurisant, un symbole d’appartenance à une famille puis à une communauté et au final aide à mieux s’identifier, au même titre que le couscous du vendredi, le henné de la mariée et les fruits secs d’Ennayer. Comme quoi, réaliser quelques petits makrouds à la maison peut sembler un acte anodin mais sa portée est socio-anthropologique et ses répercussions à long terme. Du coup, si on n’en fait plus, des makrouds, il faudra se demander sur quelle plateforme nos enfants pourront se construire leurs souvenirs et dans quel vulgaire néant puiseront-ils pour transmettre à leur tour des bribes d’un passé sans âme ; un passé sans odeur, sans sensation ni impression…un passé qui est actuellement leur présent et duquel ils ne « téléchargeront » que les passages les plus significatifs, pour les sauvegarder dans un coin de leur mémoire encore vierge pour devenir, plus tard,des souvenirs que nous ne pourrons jamais leur acheter.
28 août 2011
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