Au coin de la cheminée
Il y avait une fois un homme qui avait sept fils et pas de fille. Il aurait pourtant voulu en avoir une. Il pensait qu’il n’aurait jamais ce bonheur quand, enfin, sa femme lui en donna une. Elle n’était pas bien grosse et délicate, et si fragile qu’on avait peur que le moindre coup de vent l’emporte.
Mais notre homme était un heureux père, car il avait une fille ! Il envoya en hâte ses fils chercher de l’eau dans le torrent pour la baptiser. Les sept fils qui étaient tous de bons garçons, se précipitèrent pour obéir à leur père.
Hélas ! Au bord du torrent, celui qui tenait la cruche la lâcha dans l’onde. Les voilà tous les sept le nez au-dessus de l’eau bouillonnante, consternés, désolés, ne sachant que faire et n’osant pas retourner à la maison les mains vides…
Leur père, cependant, commençait à s’impatienter et à maugréer :
— Je parie qu’ils jouent à saute-mouton et qu’ils ont oublié mon eau !
Plus il regardait sa petite fille plus il s’indignait de leur retard. Il aurait voulu la baptiser tout de suite. Son indignation fut telle qu’elle se transforma en colère et sa colère en malédiction :
— Qu’ils soient changés en corbeaux !
Il avait à peine dit ces mots, qu’il vit sept corbeaux noirs qui volaient dans le ciel.
C’était beaucoup plus qu’il n’avait souhaité en son cœur ! Tous ses regrets ne purent rien changer à ce qu’il avait fait. Sa femme et lui avaient perdu leurs sept fils changés en corbeaux !
Ils se consolèrent avec leur fille. Elle poussait et grandissait à vue d’œil. Elle devenait de plus en plus jolie.
Elle ignorait qu’elle avait eu sept frères car ses parents, pour ne pas lui causer de peine inutile, le lui avait caché.
Mais un jour, par hasard, elle entendit quelqu’un qui disait, parlant d’elle :
— Bien sûr c’est une gentille petite, mais c’est tout de même à cause d’elle que ses sept frères ont disparu.
Ce fut une terrible nouvelle ! Elle demanda des explications à son père et à sa mère en affirmant qu’elle mourrait si on ne lui disait pas la vérité. Le père raconta ce qui était arrivé lui assurant qu’elle n’y était pour rien et que, sans doute, c’était la volonté du ciel que ses frères fussent devenus corbeaux.
Mais la petite fille ne pouvait s’empêcher de penser que cette horrible, terrible, affreuse chose ne serait pas arrivée si elle n’était pas venue au monde…
Sa conscience ne la laissait pas en repos. La nuit, elle rêvait de ses frères. Le jour, elle ne cessait d’y penser.
Son idée était qu’elle devait faire tout ce qui était en son pouvoir pour retrouver ses frères, où qu’ils soient. Qu’elle devait les délivrer, à n’importe quel prix, de l’état de corbeau dans lequel ils étaient.
Elle décida de partir les chercher. Elle n’emporta qu’un petit anneau en souvenir de ses parents, une miche de pain pour la faim, une cruche d’eau pour la soif, une petite chaise pour la fatigue.
Elle marcha, marcha, sans se décourager jusqu’au bout du monde. Il n’y avait nulle trace de ses frères. (A suivre…)
Jacob et Wilhelm Grimm
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28 août 2011
1.Contes