Au coin de la cheminée
Un matin de Pâques, le vent et le soleil observaient un homme, un voyageur, se hâter sur la route.
Sa pèlerine et ses souliers couverts de poussière disaient assez qu’il venait de loin. Néanmoins, il marchait d’un pas allègre en s’appuyant sur le bâton qui lui servait de canne.
Il portait sur l’épaule un grand sac en forme de polochon.
Ce sac contenait ses vêtements de matelot. L’homme était un pêcheur qui rentrait chez lui après de longs mois passés sur l’océan, là-bas, du côté de Terre-Neuve.
Comme il arrivait en haut d’une côte il vit, à bonne distance encore, les maisons et le clocher de son village, petits, tout petits, comme des miniatures.
Mais le voyageur sourit de contentement. Il posa son sac à terre et s’emplit les yeux du paysage. Il s’imaginait déjà chez lui, devinait le sourire de sa mère et croyait entendre la voix de son père.
Et voilà que l’homme se mit à rire ! Il était si joyeux qu’il dansa quelques pas de gigue avant de ramasser son sac et de continuer son chemin. Il ferma plus étroitement sa pèlerine sur sa poitrine parce qu’il faisait froid ce matin-là, et en route !
Tac ! faisait le bâton. Clac ! faisaient les clous de ses semelles.
Oh ! qu’il marchait vite, à présent. Il voulait arriver auprès de ses parents en même temps que les cloches de Pâques qui apportent la promesse du renouveau, au printemps.
Très haut, bien au-dessus de notre voyageur, le vent et le soleil discutaient.
— Regardez, disait le vent, regardez ce petit bonhomme pressé.
Qu’il est drôle. Amusons-nous un peu. Pariez-vous avec moi que je l’obligerai à défaire sa pèlerine avant qu’il ne finisse son voyage ?
— Mon cher, je veux bien parier, répondit le soleil, mais je parie que vous n’y arriverez pas.
— Et pourquoi, je vous prie ? demanda le vent, soudain glacé.
— Parce que vous ne m’en semblez pas capable, lui dit le soleil.
— Moi… Moi… Pas capable !
Oh ! c’est trop fort ! bégaya le vent. On va voir ce qu’on va voir.
Alors le vent inspira très profondément. Il appela à lui les esprits de la bise, de la tramontane, du typhon, de la tornade, et que sais-je encore ? Il gonfla, enfla démesurément. Et quand il se sentit plein de force à ras bord, il souffla sur le pauvre voyageur.
Il hurla, rugit, à ses oreilles, il ploya les branches des arbres, coucha l’herbe sur la terre, emplit le ciel de gros nuages gris et noirs qui ne tardèrent pas à crever en averse.
La pluie rageuse cinglait le sol. Le vent secouait avec force toute la nature.
Et cependant, plus il s’acharnait, plus il tempêtait, soulevant follement les pans de la pèlerine du marcheur, plus le marcheur s’enroulait dedans. (A suivre…)
Raconté par Alain Moreau
http://www.infosoir.com/editarchive.php?lejour=25&lemois=8&annee=2011&id=131139
28 août 2011
1.Contes