Culture :
La caméra peut être une arme redoutable de guerre. Comment a-t-on filmé l’Algérie durant la période coloniale française ? Comment l’Algérien était-il perçu au travers du prisme colonial ? C’est à ce travail de recherche que Abderrezak Hellal, réalisateur, cinéaste et écrivain s’est attelé avant de coucher sur papier cet ouvrage intitulé Histoire du cinéma.
Plus fort que n’importe quel discours, les images parlent d’elles-mêmes. L’auteur a visionné des bobines entières de pellicules avant de nous dire que les caméramen français ont confiné les Algériens dans des images négatives et réductrices. Les cinéastes français plantent leurs caméras en Algérie dès la fin du XIXe siècle. Jusqu’à 1962, ils vont tourner près de 80 films à la trame romanesque et près d’un millier de documentaires, selon Abderrezak Hellal. Les Algériens ou les autochtones, comme on les appellent alors, sont présentés comme des personnages simplets, analphabètes, sales, violents, paresseux et sans aucune conscience politique. L’Algérien est réduit à une ombre furtive maniant un couteau. Trois films l’attestent Tartarin de Tarascon, Le musulman rigolo et Pépé le moko, un film de Julien Duvivier tourné en 1936, avec Jean Gabin. L’image de la femme algérienne prend pour son grade également. Lorsqu’elle n’est pas filmée dans le rôle de danseuse dans un harem, cette dernière est présentée comme une prostituée, comme dans L’honorable madame Besson de Wolfgang Hoffmann-Hamish en 1925. A contrario, l’Européen est toujours présenté sous son meilleur jour. Toujours propre, heureux et dans une position dominante ; quant au soldat français, la pellicule le montre accomplissant son devoir. L’image de l’Algérien portant des armes est banie. Il est désarmé, humilié, insulté, brimé. Lorsqu’il tourne Le bled en 1929, un film muet où on voit des scènes du débarquement sur la plage de Sidi Fredj, Jean Renoir n’a que 32 ans. Ce film de propagande lui avait été commandé par l’Etat français à l’occasion de la célébration du centenaire de la présence coloniale en Algérie. Abderrezak Hellal aborde un autre aspect dans son ouvrage. Comment les cinéastes algériens ont-ils traité le thème de la révolution au lendemain de l’indépendance ? Hier indigène, effacé et muet, l’Algérien se revendique comme un être libre prenant son destin en main. Lorsque le cinéma écrit l’histoire ou le refus d’une mise en images, un ouvrage très intéressant à lire absolument.
Sabrinal
Histoire du cinéma de Abderrezak Hellal, éditions Rafar, 2011, 550 DA, 252 pages.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2011/08/25/article.php?sid=122018&cid=16
25 août 2011
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