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M’HAMED BENSEMMANE (PROFESSEUR DE LETTRES EN ANGLAIS À L’UNIVERSITÉ D’ALGER 2) L’acte de lire

24 août 2011

1.LECTURE

L'acte de lire

Quelle que soit la nature de l’écrit, l’acte de lire est une manière privilégiée pour chacun d’entre nous d’exprimer un désir d’aller plus avant dans sa compréhension du monde, mais aussi de communiquer avec le ou les auteurs. En effet, les écrivains ne font pas que nous transmettre leur savoir: ils nous invitent à partager leurs visions du monde, leurs préoccupations,

leurs inquiétudes… Bien sûr, nos lectures sont sélectives, et guidées par l’intérêt personnel. Mais un esprit curieux ne se contentera pas de faire une «lecture au premier degré»; il cherchera à interpréter ce qu’il lit. J’aimerais insister ici sur l’aspect de liberté «contractuelle» que la lecture sous-entend. Nous lisons certes par rapport à ce qui nous intéresse, mais ce faisant, nous nous engageons à fouiller, à analyser un texte pour en tirer la «substantifique moelle» et à y réagir. N’est-ce pas ce qu’attendent les enseignants de leurs élèves à l’école et au lycée? D’où l’intérêt d’assurer une solide formation de base aux jeunes et de les inciter à réfléchir sur les connaissances qu’ils acquièrent par la lecture. J’aborde maintenant le domaine de la littérature anglaise, que j’enseigne à l’université et que j’ai découverte dès l’adolescence. Que de rêves accumulés, que de déplacements imaginaires dans l’espace-temps, que d’expériences vécues par procuration! Je découvrais des oeuvres «incontournables», j’en relisais d’autres, pour le style, la narration, la thématique. A travers les péripéties des héros, au détour d’un vers de sonnet ou d’une tirade théâtrale, les auteurs nous engagent à réfléchir avec eux sur les problèmes et les passions de l’humain. Classicisme, romantisme, réalisme, modernisme, rapports à l’histoire, à l’idéologie, à la culture, problèmes intraculturels ou interculturels, voilà comment diversement, les hommes et les femmes de lettres ont voulu communiquer avec nous; c’est dans l’entrecroisement de leurs idées et de leurs styles respectifs que nous forgeons notre appréciation critique. Ma fonction d’enseignant en littérature africaine anglophone m’a permis d’aborder des auteurs dont les oeuvres sont sous-tendues par la formation européenne reçue, mais surtout motivées par le projet de revaloriser les aspects culturels de leurs pays, sur lesquels le monde occidental n’a jeté qu’un regard condescendant: ambivalence de ces auteurs conditionnés par une histoire dans laquelle ils étaient les «autres», les dominés, mais aussi acteurs d’une Afrique qui ne peut se passer de rapports étroits avec l’Occident. Cette ambivalence s’illustre notamment chez le romancier nigérian Chinua Achebe qui, dans son enfance, s’identifiait totalement aux héros occidentaux dont il lisait les aventures, et qui triomphaient toujours de «méchants Africains», jusqu’au jour où il a compris que ces Africains étaient ses congénères. Sans pour autant rejeter sa culture occidentale, ce pionnier de la littérature africaine a fait débuter une «contre-littérature» où l’image de l’Afrique décrite par la culture coloniale ne serait plus parasitée par les stéréotypes. Entre-temps les auteurs africains avaient pris connaissance des travaux d’Aimé Césaire, Cheikh Anta Diop et Frantz Fanon. Les bases étaient lancées pour qu’une théorie postcoloniale se mette en place afin de valoriser une lecture des oeuvres occidentales venant en contrepoint des critiques lénifiantes de leurs congénères et de mettre en exergue le discours impérialiste des oeuvres de Kipling ou de Conrad, par exemple. D’autres théoriciens, Homi Bhabha, Gayatri Spivak, Jean-Marc Moura, ont approfondi la réflexion. Ambivalence, hybridité, mais aussi subalternité, voilà quelques termes utilisés dans les approches postcoloniales des oeuvres pour traiter de l’interculturalité problématique et du désir de libération de l’Africain, néanmoins toujours inhibé par le lien culturel qui le rattache à son ancien maître. Les clefs d’analyse de la littérature africaine sont peu différentes de celles que l’on utilise pour traiter des travaux d’auteurs occidentaux. On découvre ainsi, par la lecture des auteurs africains, des réalités qui nous font comprendre pourquoi les auteurs, tout en utilisant la langue de l’ancien colonisateur, exercent leur liberté d’expression pour que leurs oeuvres soient autant de témoignages d’une Afrique qui cherche sa voie dans un monde sans cesse en évolution.
Chose que, parfois, chez nous en Algérie, on perçoit dans l’oeuvre de nos écrivains.

 

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À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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