Suspense
Résumé de la 81e partie : Les soupçons se portent, à présent, sur le Dr Bauerstein…
Je viens seulement de le remarquer. Ne voyez-vous pas ? Bauerstein l’a fait analyser, précisément ! Mais s’il est l’assassin, rien n’était plus simple pour lui de substituer du cacao ordinaire à l’échantillon qu’il avait prélevé et de l’envoyer à l’analyse.
Bien entendu, les chimistes n’y ont pas trouvé de strychnine. Et personne n’eût songé ni à soupçonner Bauerstein ni à prélever un autre échantillon, sauf Poirot ajoutai-je, lui rendant un peu tardive-ment justice.
— Mais, et ce goût amer que le cacao ne peut déguiser ?…
— Quant à cela, nous n’avons que la parole de Bauerstein. Et il y a d’autres possibilités. Il est généralement admis qu’il est un des plus grands toxicologues du monde.
— Un des plus grands quoi du monde ? Répétez cela, je vous prie.
— Il est plus fort au sujet des poisons que personne d’autre au monde, expliquai-je. Eh bien, mon idée est qu’il a peut-être trouvé le moyen de priver la strychnine de goût. Ou bien, ne s’agit-il pas de strychnine, mais de quelque drogue obscure dont personne n’a jamais entendu parler, et qui produit des symptômes presque identiques.
— Oui, cela pourrait être, reconnut John. Mais dites-moi, comment aurait-il pu parvenir jusqu’au cacao ? Il ne se trouvait pas en bas ?
— Non, en effet, dis-je, à regret.
Et puis, tout à coup, une possibilité affreuse traversa mon esprit. J’espérais que John n’y songerait pas. Je lui lançai un regard oblique. Il fronçait les sourcils, comme en proie à une vive perplexité, et je poussai un profond soupir de soulagement. Car la pensée terrible que le docteur Bauerstein avait peut-être un complice me venait subitement à l’esprit.
Pourtant, c’était impossible. Une femme aussi belle que Mary Cavendish ne pouvait certainement pas être une criminelle ! Et pourtant, de très belles femmes étaient devenues des empoisonneuses !
Et, tout à coup, je me souvins de cette première conversation, à goûter, le jour de mon arrivée, et de l’éclair qui brilla, dans les yeux de Mary Cavendish lorsqu’elle déclara que le poison était bien l’arme d’une femme. Comme elle avait été agitée le soir de ce mardi fatal ! Mrs Inglethorp aurait-elle par hasard découvert l’intimité existant entre elle et Bauerstein, et l’avait-elle menacée de prévenir son mari ? Etait-ce pour empêcher cette dénonciation que le crime fut commis ?
Je me rappelai ensuite la conversation énigmatique entre Poirot et Evelyn Howard. Etait-ce cela qu’ils avaient voulu dire ? Etait-ce là la possibilité «monstrueuse» à laquelle Evelyn s’efforçait de ne pas croire ?
Tout s’enchaînait fort bien.
Il n’était guère surprenant que Miss Howard eût suggéré de faire le silence la-dessus. Je comprenais maintenant sa phrase interrompue : «Emily elle-même…» Et dans mon for intérieur, je partageais son avis. Mrs Inglethorp eût certainement frémi à l’idée que pareil déshonneur vint ternir le nom de Cavendish. (A suivre…)
D’après Agatha Christie
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24 août 2011
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