IX. Il dit; et déjà les apprêts se font, d’après l’usage de la Grèce. On apporte du feu, une roue, et des fouets de toutes formes et dimensions. Pour surcroît de disgrâce (et ma peine en était doublée), il ne m’était pas même permis de mourir tout entier. Mais la vieille, qui avait fait tant de bruit par ses lamentations, prend alors la parole:
Citoyens, dit-elle, avant que cet abominable meurtrier de mes malheureux enfants expie son crime sur la croix, ordonnez-lui de découvrir leurs cadavres, afin qu’à la vue de tant de beauté, de tant de jeunesse, votre indignation mesure la sévérité du supplice à l’atrocité du forfait. On applaudit à cette motion, et, à l’instant, le magistrat m’ordonne de découvrir de ma propre main les cadavres placés sur le lit. Je me révolte à l’idée d’une répétition de l’horrible spectacle de la veille. Je me débats longtemps contre les licteurs, qui, sur un signe des magistrats, essayent de me contraindre à obéir. Enfin ils saisissent mon bras, l’éloignent de mon corps de vive force, et l’étendent sur les cadavres. Accablé, épuisé, je cède, et je prends, certes, bien malgré moi, un coin du manteau qui les recouvre. Je le soulève… Grands dieux, que vois-je? Ô prodige! Quelle péripétie! Quand déjà je me regardais comme un hôte de Proserpine, comme un commensal des enfers, tout à coup la scène change, et je reste stupéfait: les mots ne sauraient exprimer une pareille métamorphose. Mes trois victimes n’étaient autres que trois outres gonflées d’air. Leurs flancs portaient des marques de perforation qui répondaient exactement, si ma mémoire était bonne, aux blessures que j’avais faites aux trois bandits.
24 août 2011
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