II. La maison s’ouvre avec violence, et des magistrats, des officiers, un flot de gens de toute espèce y fait soudain irruption. Sur l’ordre des magistrats, des licteurs me saisissent et m’entraînent. Toute idée de résistance était bien loin de moi. Nous n’étions pas hors de l’impasse,
que la population, déjà sur pied, nous suivait en foule, et quelle foule! Or, tout en marchant tristement, la tête inclinée vers la terre (j’aurais voulu être plus bas), il m’arriva de regarder de côté, et je fus frappé d’une circonstance étrange. De tant de milliers d’individus qui nous entouraient, il n’y en avait pas un qui ne parût pouffer de rire. Après qu’on m’eut fait faire le tour de toutes les places de la ville, comme à ces victimes que promène une procession lustrale pour conjurer quelque fléau, nous arrivons enfin au lieu ou se rendait la justice, et je me trouve en face du tribunal. Déjà les magistrats avaient pris place sur l’estrade, et l’huissier commandait le silence, quand, tout d’une voix, l’assemblée se récrie contre les dangers d’une agglomération si considérable dans un si étroit espace; et l’on demande que, en raison de son importance, la cause soit jugée au théâtre. La foule aussitôt prend les devants, et, en un clin d’oeil, l’enceinte du théâtre est encombrée. Les couloirs, les combles même sont envahis. Quelques spectateurs embrassent les piliers, d’autres se suspendent aux statues. Il n’y a pas jusqu’aux fenêtres et aux lucarnes où quelque curieux ne se montre jusqu’à mi-corps. L’intérêt de la scène étouffait tout sentiment de danger. J’avance toujours du pas d’une victime, entouré de mes gardes, qui me font traverser le Proscenium, et me placent au milieu de l’orchestre.
23 août 2011
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