Suspense
Résumé de la 78e partie : Hastings dit avoir transmis le message de Poirot à Laurence…
Je me le rappellerai. Les femmes accomplissent de grandes choses, aujourd’hui, et Miss Cynthia est intelligente, oh ! oui ! elle a du bon sens, cette petite.
— Oui. Je crois qu’elle a passé un examen fort difficile.
— Sans doute. Après tout, elle a une grande responsabilité. Car je suppose qu’on détient là-bas des poisons violents.
— Oui. Elle nous les a même montrés. Ils sont enfermés dans une petite armoire. Je crois qu’on exige des infirmières beaucoup de prudence. Elles emportent toujours la clef avant de quitter la pièce.
Vraiment ? Et cette armoire, est-elle près de la fenêtre ?
— Non. Du côté opposé. Pourquoi ?
Poirot haussa les épaules.
— Pour rien ! Je me le demandais, simplement. Voulez-vous monter ?
Nous étions parvenus au cottage.
— Non. Je crois que je vais rentrer en faisant un long détour par les bois.
Les bois entourant Styles étaient très beaux. Après la promenade à travers le parc découvert, il était agréable de flâner dans les clairières fraîches. Il y avait à peine un souffle de vent, et le pépiement des oiseaux paraissait faible et atténué. J’avançai lentement et enfin je m’assis au pied d’un vieil hêtre splendide. Je songeai à l’humanité avec bienveillance et charité. Je pardonnai même à Poirot sa réticence ridicule. En fait, je me sentais en paix avec le monde entier. Et puis je bâillai.
Je songeai au crime qui me parut très lointain.
Je bâillai de nouveau…
Sans doute, le crime n’avait jamais eu lieu. Il ne s’agissait que d’un mauvais rêve, et la vérité était que Laurence avait assommé Alfred Inglethorp avec un maillet de croquet. Mais il était absurde de la part de John de faire autant d’embarras et de courir partout en criant :
Je vous dis que je ne le supporterai pas !
Je me réveillai en sursaut.
Et je me rendis aussitôt compte que je me trouvais dans une situation assez gênante. Car, à une dizaine de pas de moi, John et Mary Cavendish se faisaient face, et il était évident qu’ils se querellaient.
Il fut tout aussi évident qu’ils ne soupçonnaient pas ma présence, car, avant que je pusse bouger, John répéta les mots qui m’avaient poursuivi dans mon rêve.
— Je vous dis, Mary, que je ne le supporterai pas !
La voix de Mary s’éleva, calme et limpide.
— Avez-vous le droit de critiquer ma conduite ?
Vous serez la risée du village. Ma mère a été enterrée seulement samedi, et déjà vous vous montrez avec cet individu.
Ah ! (elle haussa les épaules) si ce ne sont que les potins des villageois qui vous inquiètent !
— Mais ce n’est pas seulement cela. J’en ai assez de voir cet individu rôder autour de vous. C’est, du reste, un juif polonais.
— Une goutte de sang juif n’est pas une mauvaise chose. Cela allège la stupidité de l’Anglais ordinaire, répliqua-t-elle, en le regardant droit dans les yeux. (A suivre…)
D’après Agatha Christie
22 août 2011
1.Extraits