XXIX. Je me mêle à la foule, et, montant sur une borne, derrière le lit funèbre, je regardais de tous mes yeux. Un léger soulèvement se manifeste vers la poitrine du mort, son pouls recommence à battre, ses poumons à jouer; le cadavre se met sur son séant; la voix du jeune homme se fait entendre:
J’avais déjà bu l’eau du Léthé, dit-il, et presque franchi les marais du Styx. Pourquoi me rengager dans les tristes devoirs de cette vie éphémère? Cessez, cessez, de grâce, et me rendez à mon repos. Ainsi parla le cadavre. Mais le prophète lui dit d’un ton impératif: Il faut tout révéler; il faut mettre au grand jour le secret de la tombe. Ne sais-tu pas que mes accents ont le pouvoir d’évoquer les Euménides, et de livrer tes membres aux tortures qu’elles savent infliger? Le mort, poussant alors un profond gémissement, se tourne vers le peuple et dit: La femme que j’avais épousée a causé mon trépas. J’ai péri par le poison; et ma couche n’était pas refroidie, que déjà l’adultère venait la souiller. À cette accusation, l’épouse, s’armant d’une effronterie sans pareille, oppose un sacrilège démenti. La foule s’agite, les esprits se partagent, Les uns veulent que, sans plus tarder, cette femme scélérate soit ensevelie toute vive avec son mari. D’autres crient au prestige, et soutiennent que le cadavre a menti.
22 août 2011
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