Histoires vraies
Résumé de la 3e partie : Gordon, renversé par une voiture, reprend connaissance à l’hôpital. Il entre dans une vive colère en apprenant qu’on accuse la chienne d’avoir provoqué l’accident…
La femme qui m’a renversé, elle, pourrait rentrer dans ma chambre, elle tue les gens mais elle est propre !
— Mais c’est pour votre bien, voyons.
— Vous ne me ferez jamais autant de bien qu’elle m’en a fait… Lorsque j’ai entendu le bruit de ses pattes sur le carreau, j’ai tendu les bras. Or, je ne tends les bras pour personne. Personne depuis que je suis né n’a mérité que je lui tende les bras.»
Devant le docteur et les infirmières stupéfaits, Joe demande qu’on fasse venir un notaire.
Joe sait qu’il va falloir l’opérer. Il a cinquante-six ans, alors, on ne sait jamais : il veut dicter ses dernières volontés. Le peu d’argent qu’il a doit revenir à sa chienne.
Avec cet argent, il veut payer des experts. Depuis trois ans, sa chienne le promène d’un bout à l’autre de Liverpool sans jamais un incident. Elle l’aurait certainement averti si la voiture qui l’a renversé avait suivi sa route normalement.
Il faut que la chienne soit reconnue innocente pour que l’assurance paie. Et si lui-même disparaissait, il veut qu’elle puisse, dans les quelques années qui lui restent à vivre, venir en aide à un autre aveugle. En conclusion, Joe dit à Jane Taylor :
«Si vous ne le faites pas, vous n’aurez pas respecté ma dernière volonté.»
Le pressentiment de Joe ne l’a pas trompé. L’opération relativement facile provoque une défaillance cardiaque et il meurt.
Conformément à son désir, sa déclaration est lue à haute voix au cours de l’enquête qui suit sa mort. Mais Jane Taylor se rend compte que la conclusion de cette enquête ne fait aucun doute. Le pauvre Joe n’a pas d’héritier, ni d’ailleurs d’héritage, sinon quelques centaines de livres. Le plus simple pour tout le monde c’est bien de rejeter la responsabilité sur l’aveugle et son chien.
Or Jane Taylor pense que Joe avait raison : il s’obstine. Il y a enquête, contre-enquête, procès. Le procès, bien entendu, est perdu. Jane Taylor fait appel. Tout ça pour défendre un chien. Personne ne comprend. Le représentant de la compagnie d’assurances, le mari de la conductrice et bien d’autres personnes font maintes démarches auprès de lui pour obtenir qu’il abandonne la partie. Vraiment personne ne comprend son insistance : toute la machine judiciaire, tous les témoignages pendant deux ans s’acharnent contre la chienne.
Alors, chose vraiment extraordinaire, Jane Taylor, pour mieux la défendre, retourne vivre en Angleterre et engage deux experts.
Jane Taylor leur explique comment un aveugle tient le harnais de son chien, fermement et en même temps prêt à enregistrer chaque réaction de l’animal. Au point qu’il sent presque si celui-ci tourne la tête à droite ou à gauche. Il leur explique aussi qu’à l’arrêt, le chien pose sa patte droite sur le pied gauche de son maître. Lorsqu’il lève la patte, c’est que l’homme peut s’avancer. Alors le chien marche à gauche presque dans ses jambes. (A suivre…)
Pierre Bellemare
22 août 2011
Histoire