Le Carrefour D’algérie
Point de vue
Par Farida T.
Une imitation de la vie
Une longue et minutieuse étude anthropologique portant sur l’évolution comportementale des Algériens amène à des constats amers mais non moins réels, en voici un résumé : notre scolarité est approximative et nos diplômes en plomb ; notre histoire est falsifiée, notre identité en instance et nos lectures sont erronées; nos esprits sont pervertis et nos âmes souillées ; nos rêves sont de pacotille et nos espoirs meurtris ; nos envies sont matérielles et nos besoins bestiaux ;
notre société est hypocrite : nos amitiés sont superficielles et nos amours interdits ; nos fantasmes sont prohibés ou autocensurés ; nos projets sont stoppés par les crédits bancaires et nos initiatives par la bureaucratie ; nos vacataires sont licenciés et nos chômeurs emprisonnés ; nos intellectuels sont tués, nos artistes dénigrés et nos politiques corrompus ; nos déplacements sont contrôlés, nos navigations virtuelles aussi. Notre terre est désossée par des grues incontrôlables, nos bois sont déboisés puis assaillis et enfin bétonnés, nos champs sont maltraités et mal aimés, notre argent est une monnaie de singe et notre économie mafieuse. Nos projets de société sont inexistants et notre Etat aussi. Nos maisons sont des cubes multicolores qui emprisonnent nos femmes, nos filles et nos horizons ; nos lois urbanistiques sont modulables, les autres aussi. Notre gazon est artificiel, nos plantes sont plastifiées et nos fleurs en tissu inodores ; nos habits sont contrefaits ; notre viande et nos poissons sont surgelés ; notre mer est décharnée, cambriolée, violée et humiliée. Nos légumes sont monotones, ennuyeux, et chers ; nos rares fruits importés. Nos marchands sont irritables et nos semblables agressifs ; nos artisans boulangers sont devenus des producteurs en série ; nos dentistes se prennent pour des orfèvres et nos obstétriciens optent tous pour des césariennes ; nos parfums sont imités ; notre or est plaqué ; nos programmes télévisuels intéressants sont piratés car notre sens de la débrouille, ce génie dormant de ceux qui font de la résistance, lui, est illimité. Il est la conséquence directe et irréversible de la privation, de la frustration et du manque. Et d’ailleurs, heureusement, car, si en plus l’Algérien n’avait plus cette petite étincelle instinctive de survie, ce serait la résignation, l’abdication.
21 août 2011
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