XXVII. Pendant que, sur une place voisine, je cherchais à reprendre mes esprits, je m’avisai un peu tard de la sinistre inconvenance de mes paroles, et convins que je n’avais pas encore été rossé comme je le méritais. Pendant ce temps, le cérémonial des pleurs et des cris avait été son train, et le cortège,
d’une ordonnance conforme à l’usage du pays, s’avançait au milieu de la place, avec la pompe convenable à la qualité du défunt. Tout à coup un vieillard accourt, les yeux mouillés de pleurs, et arrachant les cheveux de sa tête chenue; il étend précipitamment les deux mains sur le lit funèbre: Citoyens, s’écrie-t-il de toute la force de sa voix entrecoupée de sanglots, par tout ce que vous avez de plus sacré, au nom de la piété publique, vengez le meurtre d’un de vos frères! Cette misérable, cette infâme créature, s’est souillée du plus grand des forfaits; j’appelle sur sa tête toutes les sévérités de la justice. C’est sa main, et sa main seule, qui a fait périr par le poison ce malheureux jeune homme, le fils de ma soeur. Un amour adultère et l’appât de sa succession ont poussé une épouse à ce crime. Le vieillard allait de l’un à l’autre, ne cessant de faire entendre ses plaintes lamentables. Déjà les esprits s’irritent; le crime paraît probable; on y croit. Des pierres! Un bûcher! s’écrie-t-on de toutes parts. Et voilà les enfants qu’on excite contre cette malheureuse. Elle, le visage baigné de pleurs de commande, et simulant de son mieux l’horreur d’un tel attentat, prenait tous les dieux à témoin de son innocence.
21 août 2011
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