XXVI. Déjà la retraite de la nuit était sonnée par tous les coqs du voisinage. Je m’éveille en sursaut, et, dans le dernier effroi, je cours au cadavre; j’en approche la lumière, et j’examine en détail si le dépôt dont j’avais pris charge se retrouvait dans son intégrité. Bientôt l’épouse infortunée, suivie des témoins de la veille,
entre brusquement. L’oeil en pleurs et tout effarée, elle se précipite sur le corps, qu’elle couvre longtemps de ses baisers; puis, la lampe à la main, elle en fait un récolement complet. Alors elle se retourne, appelle son intendant Philodespotus, et lui ordonne de payer sur-lechamp l’excellent gardien. Jeune homme, me dit-elle ensuite, je vous ai les plus grandes obligations. Et certes, après la vigilance dont vous avez fait preuve en vous acquittant de ce devoir, je dois vous compter désormais comme un de mes amis. Moi, dans l’extase de ce gain inespéré, et tout ébloui de l’or que je faisais sonner dans ma main: Dites votre serviteur, madame, m’écriai-je: à la première occasion, je suis à vos ordres. Vous n’avez qu’à parler. À peine avais-je prononcé ces paroles, que tous les amis de la veuve éclatent en exécrations, et fondent en masse sur moi, se faisant arme de tout. C’est à qui me brisera les mâchoires et les épaules de ses poings ou de ses coudes, à qui me froissera les côtes ou me lancera son coup de pied. Mes cheveux sont arrachés, mes habits déchirés en lambeaux. Enfin meurtri et malmené, autant que le furent jamais le beau chasseur Adonis ou le dédaigneux fils de Calliope, je me vois impitoyablement jeté hors du logis.
21 août 2011
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