Edition du Samedi 20 Août 2011
Culture
Elle est unique. Elle ne connaît pas sa pareille. Aucune autre cité n’a, à la fois, cette orientation, cette position, ce climat, cette précise architecture, soulignait, émerveillé, André Ravéreau.
Pour Léon l’Africain, elle était grande, ses murailles splendides et extrêmement fortes, alors qu’elle possédait de belles maisons et des marchés bien ordonnés dans lesquelles chaque profession avait son emplacement particulier. Lorsque, à l’issue de la 15e session du Comité du patrimoine mondial tenue sous l’égide de l’Unesco à Carthage, il a été décidé d’inscrire La Casbah d’Alger sur la liste du patrimoine universel, l’Algérie venait, on s’en doute, de remporter une éclatante victoire sur l’acculturation et l’indifférence des clercs. Ceux-là mêmes qui ont vite fait d’oublier qu’œuvrer pour le sauvetage d’une cité plusieurs fois millénaire, c’est aussi s’impliquer irréversiblement pour la pérennité de Bab El Djied à Tlemcen, de Sidi El Houari à Oran, des médinas de Dellys, Cherchell, Médéa, Miliana, Mostaganem, Béjaïa, Constantine, Touggourt, El Ateuf à Ghardaïa, des ksours de Timimoun sans oublier la Place d’armes de Annaba. Mais que de recul enregistré depuis à l’instigation de la culture de l’oubli et de la haine de la citadinité ! Le choix des mots est loin d’être fortuit tant le tissu de nos mémoires et celui de nos villes ont subi des mutilations atroces. La Casbah, telle qu’évoquée récemment au Forum d’El Moudjahid par les responsables de la Fondation, reflète encore le faste dans lequel elle se déclinait à l’époque. Ne serait-ce qu’à travers quelques somptueux fragments sauvés du naufrage, des débris fulgurants ayant survécu au passé d’une des plus belles villes de la Méditerranée.
Pour Mostéfa Lacheraf, il ne conviendrait pas de revivre cette évocation avec les seuls yeux de la nostalgie ni de s’attarder davantage sur les aspects dégradés d’une cité dont le destin de ville combattante, de ville martyre, mérite, à plus d’un titre, admiration et respect. Ce qui n’est, malheureusement, pas le cas. Fidèle en cela à la thèse du sociologue Rachid Sidi Boumedine, je ne suis pas loin de penser que c’est assurément sur la base de cette négation qu’après la colonisation on taillait, on perçait, on coupait sans souci, dans un tissu qui n’est devenu qu’obstacle physique à un projet de société qui s’impose et impose ses règles. Alors que les difficultés qui, jusqu’ici, se sont opposées à un démarrage réel de cette opération demeurent, confie Belkacem Babaci en présence de nombreux journalistes, l’imbrication des statuts des habitants, la complexité des problèmes techniques demandent un traitement fin. Ce qui est loin de constituer un nœud gordien, un problème inextricable. Comme d’aucuns tendent à le faire admettre en séparant artificiellement les différents aspects, tels que la “rentabilité” économique, le financement, les problèmes juridiques, le relogement d’une partie des habitants, la préservation ou la reconstitution des structures originales, parvenant même à les opposer en éléments antinomiques et contradictoires. D’où l’ire de Rachid Sidi Boumedine : “ A-t-on jamais analysé notre politique sanitaire en terme de rentabilité ? A-t-on jamais reculé devant le défi du désert ou de la transsaharienne sous ce critère, ou bien, ou bien n’en avons-nous pas bien fini avec l’idée inconsciente que La Casbah est un îlot hors de notre temps, hors de notre espace, que ceux qui l’habitent sont d’étranges étrangers ?” Autant d’interrogations qui assaillent, de plus en plus, les responsables de la Fondation Casbah. Elles les entraînent à s’interroger sur toutes les raisons idéologiques avouées ou non, qui ont engendré cette institutionnalisation de l’indifférence.
Elles réactivent plus que jamais les débats entre intellectuels organiques autour des rapports de la culture et de la politique, s’agissant d’une médina qui a su le mieux refléter la caractérisation pionnière d’un nationalisme populaire à la fois moderne et traditionnel en complète rupture avec l’idéologie wahhabite.
A. M.
zianide2@gmail.comhttp://www.liberte-algerie.com/edit.php?id=161281&titre=Sidi%20Abderrahmane%20Et-Tha%E2libi%20%20est%20revenu%20cette%20semaine&
20 août 2011
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