Le Carrefour D’algérie
Samedi 20 Août 2011
Soug ennsa
Par Farida T.
J’ai fait un rêve
J’ai fait un rêve. Un magnifique rêve qu’un jour nos rues seraient propres et verdoyantes. J’ai fait le rêve étrange et pénétrant qu’un jour les lugubres immeubles, cages cubiques qui nous servent d’habitation, seraient tous rasés, et leurs concepteurs tous jugés et
qu’à leur place, fleuriraient de belles maisonnées, blanches, parsemées de jasmin et de géranium, comme l’était naguère Alger. J’ai fait un rêve merveilleux où le tramway et le métro étaient fonctionnels depuis longtemps, conduits par des chauffeurs bienveillants et où les usagers ne se bousculaient pas, ne s’écrasaient pas. J’ai fait un rêve émouvant dans lequel je nous voyais sourire et lire de vrais livres dans un jardin botanique où les milliers de sacs en plastique n’étaient pas accrochés aux arbres, mais plutôt des fruits et des fleurs d’ici et d’ailleurs et dont les fragrances enivrantes suffisaient à vous apporter la sérénité. J’ai fait un rêve enchanteur qu’un jour, des poubelles naîtraient spontanément dans les parcs et que tous, sans aucune menace ni sanction, nous y jetterions nos journaux, nos mouchoirs et nos cigarettes, que des bancs réapparaîtraient pour nous permettre de nous asseoir, de discuter, de nous connaître, nous apprécier et de baisser enfin la garde. J’ai fait un rêve fabuleux qu’un jour, toutes les esplanades squattées seront débarrassées des étals de contrebandiers, et que dans ce nouvel espace de l’espoir se côtoieraient des fleuristes, des bouquinistes, des tapissiers, des tailleurs, des artisans du cuivre, de l’argent et du corail, des maroquiniers, ainsi que des pâtissiers et des boulangers, que tous ces petits métiers deviendraient grands et que tous les artisans deviendraient artistes, que des conteurs, en habit traditionnel narraient en algérien aux milliers de touristes qui déambulaient heureux dans nos vieux quartiers restaurés, les exploits de tous nos ancêtres: les vaillants Berbères, les conquérants Arabes et les impériaux Ottomans. J’ai fait un rêve fantastique où des adolescents et adolescentes étaient joyeux et décomplexés, insouciants ils se taquinaient sur des terrains de sport, qu’à côté, des enfants se balançaient, chantaient à tue-tête et couraient dans tous les sens à sans jamais craindre de se faire écraser. J’ai fait un rêve extraordinaire qu’un jour, nos plages seraient propres et que le sable redevenait fin et doré, comme avant le cataclysme, que les baigneurs s’amusaient, que les bronzeurs se cultivaient et que des saltimbanques divertissaient les groupes de touristes revenus enchantés de nos immenses ergs, de nos intrigants regs ou de nos oasis millénaires. J’ai fait aussi le rêve que nos gardiens de parking auraient des tickets à la main et point de gourdins, que les embouteillages auraient disparu grâce à «Tou», les transports en commun flambant neufs et ponctuels… J’ai fait le rêve d’un même pays qu’est l’Algérie, d’un même peuple que sont les Algériens, d’une même Histoire multiple et séculaire et d’un même patrimoine en déperdition. Mais, ce qui relève réellement du rêve, c’est de concrétiser tous ensemble, tous ces rêves.
20 août 2011
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