Petite anecdote de copines

Le Carrefour D’algérie

Jeudi 18 Août 2011

Soug ennsa

Par Yasmine Benbekhti

Petite anecdote de copines

Elles ont vu le jour dans le même quartier, n’ont pas eu à s’encombrer de présentations ni de temps d’approche, elles étaient là, tous les jours au même endroit, elles avaient le même âge et n’avaient pas d’autre ambition que de vivre le jour et de dormir la nuit. Kheira et Naïma ont grandi ensemble dans un bidonville de Raz-El-Aïn,

elles étaient si proches qu’à huit ans, elles ont fait vœu de ne jamais être séparées. La mère de Kheira travaillait comme femme de ménage en ville, et a fini par placer Kheira dans une maison voisine, car à vingt deux ans, elle était devenue suffisamment mature pour travailler dehors, aider sa famille et subvenir à ses besoins de jeunes filles. Naïma quant à elle, plus fainéante et n’inspirant pas confiance pour être placée dans une maison, avait d’autres ambitions, elle espérait se marier vite et dépendre de son mari pour subsister. D’ailleurs son passe temps favori était de repérer les garçons, discrètement car partout elle risquait de se faire prendre par un de ses frères, cousins ou voisins, et puis, comme Kheira, elle n’était pas libre de ses mouvements, aussi bien que pour sortir, toutes les raisons étaient bonnes, un coup de fil à la vieille tante au taxiphone, aller récupérer le plateau à pain prêté à la voisine, c’était pratique d’avoir son amie comme voisine, elles passaient leurs temps à se filer de la vaisselle, pour pouvoir la récupérer et prétexter ainsi une raison de sortir. Hormis les heures de travail de Kheira, elles passaient tout le reste de leur temps ensemble, sortaient faire leurs petites courses ensemble, voyaient leurs petits amis clandestinement ensemble, assistaient aux mariages, cuisinaient ensemble et parfois passaient la nuit l’une chez l’autre. Elles étaient amies depuis l’enfance, ont grandi ensemble, elles ont découvert ce qu’elles ont pu du monde ensemble et ont partagé leurs premières expériences, leurs rigolades, leurs peines, leurs angoisses et leurs espérances. Elles connaissaient tout l’une sur l’autre. Elles se confiaient ainsi l’une à l’autre jusqu’au jour où Naïma trouve enfin son chevalier servant, elle n’est pas allée chercher bien loin, le frère de Kheira sa voisine et meilleure amie, a demandé sa main. Elles étaient contentes toutes les deux, de meilleures amies, elles allaient devenir belles-sœurs, presque sœurs en quelque sorte. Ce que n’avait pas prévu Kheira en revanche, c’est la crise de jalousie de son frère contre sa fiancée, quand des amis à lui, sont venus lui raconter un ou deux de ses quatre cents coups de jeunesse. Naïma n’est bien sûr pas stupide, au lieu de tout nier en bloc, ce qui n’aurait pas été crédible, elle a tout simplement préféré tout rejeter sur son amie d’enfance Kheira. Son frère a bien évidement rempli son rôle de protecteur de l’honneur de sa famille, cet honneur des frères qui se situe dans la culotte de leurs sœurs, et a tabassé Kheira, car ça ne pouvait être qu’elle la dévergondée, et non jamais sa fiancée. Et puis, c’était moins coûteux de croire la version de sa fiancée, vu l’investissement qu’ont nécessité les fiançailles. Surtout qu’elle a soigneusement pris le temps de lui raconter dans le détail les escapades de Kheira, en se gardant bien de s’inclure dans ses récits. C’est ainsi que la meilleure amie depuis plus de vingt ans de Kheira, est devenue sa meilleure ennemie pour la vie et continue à partager son quotidien, sous le même toit à présent. Le vœu de ne jamais se séparer, qu’elles ont fait à l’âge de 8 ans, s’est enfin réalisé.