Le Carrefour D’algérie
Point de vue
Par Farida T.
Les kamikazes sont parmi nous
Que peut faire la plus grande armée du monde, la plus grands police du monde, la plus efficace des agences de profilage, les meilleurs psychiatres et thérapeutes, les meilleurs exorcistes contre une personne suicidaire ? Rien. Nul ne peut empêcher une personne de se donner la mort si elle le décide. Le hic, c’est lorsque cette personne malade et suicidaire, dans un ultime acte altruiste, dans une ultime «hassana»
décide d’emporter avec elle au Paradis des dizaines de personnes qui voulaient encore vivre en ce bas monde, même si souvent, il leur semblait un enfer. Qui peut empêcher ces fous délirants et désespérés, pour qui la mort n’est point un but, mais juste un moyen, de sévir encore et encore, de semer la violence et la mort, de décider à la place du destin ? Qui peut empêcher ces criminels convaincus d’un « effort contre soi-même » et du devoir de livrer une guerre contre autrui de se prendre pour Dieu, eux qui prétendent le craindre et l’aimer au point de faire le choix de se donner la mort en « martyr », eux, pour qui cette fin n’est que le début de l’accomplissement de leur cause? Personne et encore moins depuis que ces attentas-suicides sont médiatisés, repassés en boucles sur tous les supports médiatiques. Que peut-on répondre à un homme qui prétend n’obéir qu’à Dieu, et qui, en conséquence, est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ? Pendant les 132 ans qu’aura duré la colonisation française, jamais aucun moudjahid ne se sera fait exploser, car tous avaient nourri le même rêve de voir l’Algérie libre devenir un Paradis et y vivre surtout. Bien que cette notion de se donner la mort pour servir une cause ne soit guère nouvelle, la mondialisation a fait des kamikazes des héros et des mythes. Qui aurait pu prévoir que le petit homo sapiens qui aurait tué père et mère par instinct de survie, pour un tubercule ou un morceau de gibier volé, se transforme aujourd’hui en une véritable engin de la mort qui a perdu toute envie de vivre et même de survivre. Le fanatisme religieux savamment récupéré par le fanatisme politique a fabriqué des êtres psychotiques qui sont en train de tuer l’Algérie et les Algériens. L’Algérie est meurtrie, mutilée chaque jour, estropiée à chaque fois qu’une aube nouvelle semble ramener une once d’espoir. Les kamikazes sont nos enfants ; nos frères et nos voisins. C’est notre société qui les a enfantés. C’est notre école qui les a éduqués et notre université qui les a spécialisés. C’est notre système qui les a laissés en marge, affaiblis et fragilisés, parfaites cibles pour des prédateurs sans vergogne qui n’ont de religieux que la longue barbe et le long chapelet. Il ne s’agit pas ici de justifier des actes immondes, inhumains et injustifiables, non, il ne s’agit pas non plus de défendre l’indéfendable, il s’agit plutôt de se regarder en face, si on le peut encore, et de s’avouer qu’en se terrant, se muselant et en s’enfermant chacun chez soi, nous avons laissé tomber l’Algérie. Nous l’avons tous livrée aux mains de ses tueurs par notre passivité. A présent, le mal est dans le ver, les fanatiques terroristes sont parmi nous, vivent avec nous. Ce ne sont ni des zélotes, ni des croisés, mais des jihadistes du troisième millénaire. Alors, de grâce, que personne ne vienne nous chanter, nous rabâcher, sans ressentiment, sans état d’âme, sans respect aucun pour la mémoire des milliers de victimes de cette haine qui dure depuis vingt ans que le terrorisme a pratiquement été éradiqué et que la monstrueuse tuerie de Tizi-ouzou est le reflet des derniers soubresauts de la bête.
18 août 2011
Contributions