Cela s’est passe un jour/ Aventures, drames et passions celebres
Hommes et femmes au destin prodigieux (126e partie)
Par K. Noubi
Plan : «Ne rien laisser au hasard», voilà la règle d’or de la réussite d’un coup. Et il a l’intention de la faire appliquer jusqu’au bout…
Avec ses vêtements bien repassés, ses lunettes et surtout ses airs d’intellectuel, Bruce Reynolds n’a pas du tout l’air d’un détenu. En tout cas, il tranche fortement sur ses codétenus, aux uniformes fripés et aux manières plutôt grossières.
«Lui, dit-on, c’est un vrai gentleman !»
Si les autres prisonniers se font houspiller, Reynolds, lui, impose le respect, même aux gardiens et aux policiers, qui acceptent de lui apporter des journaux et même de cigarettes. Il faut dire que l’homme sait parler et surtout regarder les autres : il se dégage de ses yeux une sorte d’énergie, voire de volonté à laquelle il est difficile de résister. Il aurait sans doute fait un bon politicien, parce qu’il est capable, par ses discours et ses manières persuasives, entraîner les foules. Tout comme il aurait pu être un homme d’affaires, un industriel ou un intellectuel, dont il a le physique. Mais Bruce Reynolds a choisi d’être autre chose. Cet homme âgé, à l’époque des faits d’une trentaine d’années est un chef de bande redoutable, celui du gang qui sévit dans les quartiers sud-ouest de Londres.
Au début des années 1960, il s’est fait arrêter pour une histoire d’escroquerie et il purge une peine légère mais si on devait le condamner pour tous les méfaits dont il s’est rendu coupable, il serait condamné à la perpétuité !
En ce jour froid d’hiver, Bruce Reynolds est en train de lire dans sa cellule. Cela ne surprend pas beaucoup puisque l’homme à cette habitude, quand il n’est pas dans la cour où au réfectoire, de compulser livres et revues. Mais aujourd’hui, ce n’est pas un livre ou un magazine qu’il feuillette, mais un papier sur lequel sont portés des notes et des schémas.
Les gardiens qui passent devant lui ne lui font aucune remarque, puisqu’il ne fait rien de mal, mais s’ils devaient imaginer ce qui se passe, en ce moment dans la tête de l’homme, il lui arracherait sa feuille et l’entraîneraient aussitôt dans le bureau du directeur de la prison.
Reynolds est tout simplement en train d’étudier les plans d’un cambriolage, le plus grand jamais réalisé en Grande-Bretagne ! Il ne s’agit ni plus ni moins que de s’emparer du train postal Glasgow-Londres qui transporte jusqu’à 2 millions de livres, de l’époque, soit plusieurs milliards de centimes d’aujourd’hui !
Certes, Reynolds a trente ans encore de beaux jours devant lui, mais déjà il pense à se retirer, faire un gros coup et aller s’installer sur la Côte d’Azur…
Déjà il a les éléments d’un plan ingénieux et il les étudie minutieusement : en véritable artiste du vol et de l’escroquerie, il ne veut rien laisser au hasard. Il ne veut surtout pas se faire prendre : car, si son plan échoue, il sait qu’il se retrouvera derrière les barreaux pour une longue période.
Pour qu’un coup de l’ampleur de celui qu’il projette réussisse, Reynolds doit s’entourer à la fois de collaborateurs de confiance, à la fois efficaces et discrets. Il a déjà une liste en tête ainsi que les tâches qu’il doit confier à chacun d’eux.
«Ne rien laisser au hasard», voilà la règle d’or de la réussite d’un coup. Et il a l’intention de la faire appliquer jusqu’au bout…
Quelques mois après, il finit de purger sa peine et quitte la prison. (A suivre…)
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18 août 2011
1.Extraits, K. Noubi