Par 15/08/2011 19:05:00 |
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M. Ghlamlah avait qualifié le livre « Le mensonge de Dieu » de « nauséabond ». L’auteur du livre lui répond.
Me croirez-vous, monsieur le ministre ? Vous avez justifié, à vous seul, le titre de mon roman. En vitupérant, en termes scatologiques, contre un livre que vous n’avez pas lu, en trompant consciemment l’opinion, vous n’avez pas seulement failli au devoir sacré du croyant en chef que votre rang suggère – ce qui, après tout, ne surprend plus personne – vous avez surtout donné raison au mendiant du cimetière, le héros d’un livre que vous ne lirez pas, le mendiant, monsieur le ministre pour qui ce manuscrit est le « dernier pied-de-nez aux prophètes contrefacteurs, intronisés par le mensonge qu’ils ont fait dire à l’histoire et à Dieu. » Vous n’êtes qu’un prophète contrefacteur, monsieur le ministre. Un de ceux qui, pour reprendre le mendiant, « ont besoin de stimuler le peuple au nom de Dieu pour ensuite l’asservir au nom du même Dieu et régner sous le mensonge de Dieu » Vous n’êtes, au final, qu’un de ces vigiles qui veillent, dans ce pays, sur les portes sacrées du mensonge, de l’hypocrisie, de l’ignorance, de l’aliénation et de la servitude, ces portes massives qui n’en finissent pas de se refermer sur nos enfants. Que n’avez-vous qualifié de « nauséabond » les tueries de musulmans exécutées par les groupes islamistes que vous couvrez de votre silence ? Que n’avez-vous qualifié de « nauséabond » les pillages des richesses nationales commis par vos pairs du gouvernement ? Dieu serait donc absent les jours de carnage et de pillage…
En vérité, il se confirme dans votre bouche que la surenchère religieuse vient toujours au secours d’une domination. Il y a vingt ans, le livre Awlâd hâratinâ (Les fils de la médina), critique implacable des nouveaux messies arabes, récit incisif sur la vie d’un quartier cairote où chacun des habitants représente un prophète de la Bible que Mahfouz décrit comme des individus médiocres et vaniteux, incapables d’améliorer la vie des habitants, a failli coûter sa vie à Naguib Mahfouz. Deux fanatiques islamistes de al Jama’a al Islameya le poignardèrent devant son domicile. Pour le compte de qui ? Et pour quel résultat ? Vingt ans plus tard, les fils de la médina occupaient la place Tahrir… Mahfouz l’a dit, sur son lit d’hôpital : « L’écriture est maîtresse : elle agit sur la culture et sur les civilisations« . Vous pouvez suggérer des lynchages, monsieur le ministre, des mises à mort, mais pas arrêter le cours de l’histoire.
Alors, je me le demande : vous portez-vous au secours de Dieu ou de vous-mêmes ? Le peuple algérien s’éveille et vous n’y pouvez rien. Le mensonge de Dieu a été acheté par des milliers d’Algériens au moins aussi pieux que vous. Eux l’ont bien compris. Le mensonge de Dieu c’est le livre d’un peuple que vous ne connaissez pas. Il raconte un rêve ancien et à venir, celui d’un nouveau monde, un monde sans maître, un rêve ancien et à venir à l’intérieur duquel a toujours mûri le rêve de l’indigène algérien, le rêve de ce jour, enfin, où les hommes ne seront que des hommes, jamais plus les « ratons » des autres.
Mohamed Benchicou
17 août 2011
LITTERATURE, Religion