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Les révélations de l’affaire Bendir Man par Kamel Daoud

17 août 2011

Contributions

            Lu et relu hier. Pas la nouvelle sur l’expulsion d’un chanteur tunisien d’Algérie après un concert à Bejaïa et un autre à Alger, mais les petites phrases qui ont été dites avant l’expulsion de Bendir Man, le chanteur accompagné de Baâziz et qui a tout raconté sur une radio tunisienne selon la presse.

Ce genre de phrases que le Pouvoir a dit et qui valent mieux que dix mille discours. Ce genre de profondes convictions qu’un homme exprime dans la colère et qu’une vie d’hypocrisie peut longtemps cacher. Qu’est-ce qu’on a dit au chanteur avant de l’expulser et lui interdire de poser le pied au pays, illégalement ? Qu’on ne voulait pas de «contamination» de quelqu’un qui «fout la pagaille», ni de quelqu’un qui veut exporter la révolution tunisienne en Algérie. L’officier de la police politique donnera même son avis sur comment et qui peut chanter en Algérie. «Les agents de la sécurité ont dit à Baâziz qu’il peut dire des choses méchantes, mais pas un étranger». Alias un Tunisien. Car, comme l’a dit Essebsi, l’actuel chef par intérim de la Tunisie à un journal arabe à Londres, les Tunisiens ne sont plus «frères» mais un virus, une entité à expulser, une brebis noire au sein de la Ligue. Pendant des décennies, on nous a gavés de cette fraternité «arabe» mais, dès qu’un peuple «arabe» expulse un dictateur «arabe», il n’est plus frère aux yeux des autres dictateurs. Et c’est logique : les voleurs sont solidaires. Le plus intéressant dans cette histoire est donc dans les faits «expulser un chanteur et chanter au peuple qu’on va réformer et démocratiser», mais aussi dans la langue et le langage. En Haut, le Pouvoir peut raconter des histoires, envoyer Bouteflika promettre des réformes et dire que le pays va bien et que l’Algérie n’est pas une dictature, mais dans le fond de l’esprit, entre intimes, le Pouvoir reste vigilant, mauvais, attentif, dictatorial, peu respectueux des libertés et soviétique. Pour comprendre et entendre ce qu’il pense, il ne faut pas appeler le Pouvoir à parler, dialoguer, expliquer ou à l’ENTV. Non. Il faut énerver le Pouvoir. C’est là que, perdant un peu de sa ruse, il devient cru et sincère. Comme ce fut le cas avec le chanteur tunisien Bendir Man. Qu’y a-t-on entendu ? L’idée de fond.

L’idée de fond du Pouvoir et sa théorie de la domination reposent sur la certitude du tutorat et de la propriété : ce peuple est à moi et je suis le meilleur gardien de sa sécurité et de son alimentation. C’est une conviction profonde chez les vrais tenants du Pouvoir : ils sont là pour «le bien» du peuple qui se mangera si on le laisse voter ou jouir de la liberté. L’officier de la police politique a bien exprimé cette théorie : on ne veut pas de gens qui contaminent le cheptel de nos moutons, les réveillent ou qui leur chantent des trucs qui font que le cheptel ne puisse plus donner du lait et de la laine. L’officier s’est comporté avec le chanteur tunisien comme un propriétaire, un seigneur féodal venu s’inquiéter, un maître des fermes. De loin, le berger a vu un animal étranger s’immiscer dans le troupeau et est venu signaler que le troupeau est à lui et que c’est lui qui décide de ce que le troupeau peut écouter ou pas. L’idée de base est «qu’on peut vous laisser vous amuser entre serfs, mais pas trop». L’idée peu dite est que ce peuple «est à nous, son pétrole, son pantalon, ses oreilles, sa musique et ses colères, et notre police politique veille». Dans ce faux fait divers, il s’agit d’une confession : la police politique existe, elle décide encore du choix des chansons et veille au grain et à la vache avec la même mentalité que celle d’avant la chute du Mur de Berlin ou avant le dernier discours de Bouteflika. On en est encore au point où un officier peut interdire un concert pendant que la commission Bensalah en anime un autre. C’est du déjà vu depuis un siècle. Au premier round, l’officier gagne et le chanteur est interdit de séjour dans la ferme du Seigneur et ne peut plus parler aux moutons du Maître. Au second, l’officier est chassé et l’URSS est démantelé, Ceausescu est exécuté, Moubarak est jugé, Saddam est pendu, Benali est chassé et le chanteur revient chanter. Où se retrouvera l’officier ?

Le Quotidien d’Oran
Mercredi 17 août 2011

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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