XV. Tandis que Milon pérorait ainsi tout à son aise, je gémissais à part moi, et m’en voulais mortellement de lui avoir si mal à propos suggéré ce sujet de conversation. C’était autant de pris sur la soirée, et sur le doux emploi que je m’en étais promis. Enfin, surmontant ma timidité:
Que Diophane s’arrange avec le sort, dis-je à Milon; qu’il aille, tant qu’il lui plaira, risquer encore par terre ou par mer les tributs qu’il a levés sur la crédulité des gens: moi, comme je me ressens encore de ma fatigue d’hier, je vous demande la permission de me retirer de bonne heure. Aussitôt dit, aussitôt fait. J’eus bientôt gagné ma chambre, où je trouvai tous les arrangements d’un souper assez bien entendu. On avait pris soin de faire coucher les domestiques le plus loin possible de ma porte, sans doute afin d’écarter de nos nocturnes ébats toute oreille indiscrète. Près du lit était une petite table, où la desserte du dîner figurait avec avantage. Photis y avait mis deux verres d’honnête dimension, qui, remplis à moitié de vin, ne laissaient de place que pour autant d’eau; enfin, une de ces bouteilles au long cou évasé, qui se vident si facilement, complétait cet arsenal de l’amoureuse escrime.
17 août 2011
1.Extraits