XIV À cette question, notre brave Chaldéen, oubliant tout à fait son rôle, répond avec la distraction la plus ingénue: Puissent nos ennemis publics ou privés être dans le cas de faire un pareil voyage! c’est une autre Odyssée.
Notre vaisseau, battu par tous les vents, dégarni de ses deux gouvernails, est venu, après la plus pénible navigation, sombrer en vue du continent. Nous n’avons eu que le temps de nous sauver à la nage, abandonnant tout ce que nous possédions. Le zèle de nos amis, et la charité publique, nous ont alors créé quelques ressources, mais tout est devenu la proie d’une bande de brigands. Mon frère Arignotus (je n’avais que celui-là) a voulu faire résistance; ils l’ont impitoyablement égorgé sous mes yeux. Il n’avait pas fini son récit lamentable, que le négociant Cerdon avait déjà rempoché ses espèces, et fait retraite, emportant le prix compté de la prédiction. Nous partîmes tous alors d’un bruyant éclat de rire; et Diophane, réveillé comme en sursaut, comprit alors sa faute en même temps que sa déconvenue; mais vous verrez, seigneur Lucius, qu’à votre endroit le Chaldéen aura été véridique une fois dans sa vie. Bonne chance donc, et puisse votre voyage être des plus heureux!
17 août 2011
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